Livres hebdo, 26 septembre 2008, par Jean-Maurice de Montremy

François d’Assise en révolution

De son vivant, François d’Assise (1181 ou 1182‑1226) déconcerta jusqu’à ses proches. On sait l’acte fondateur de sa révolution : il rejette sa richesse et choisit la pauvreté. Se groupent autour de lui d’autres « mendiants » qui entendent renouer avec le précepte évangélique : vendre ses biens, les donner aux pauvres et s’en aller sur les chemins, à l’instar du Christ.

[…]

Comme le montre l’historien, dans son essai au titre volontairement paradoxal : Richesse franciscaine ou comment la pauvreté volontaire a modelé la société de marché, « ce fut la religiosité des Mendiants, la plus rigoureuse qui, en tant que telle, élabora une large part du vocabulaire de l’économie occidentale. Contrairement à ce que l’on a longtemps cru au XIXe et au XXe siècle, il n’exista jamais d’imperméabilité entre le marché et le monde chrétien, pas plus que de séparation nette entre la morale et les affaires ».

Les franciscains, pour définir un usage chrétien des biens terrestres, s’efforcèrent de comprendre le monde marchand qui naissait et se développait sous leurs yeux. Ils s’attachèrent notamment à cet autre phénomène inédit : la naissance de la banque et la production d’une richesse financière apparemment détachée du travail. Ainsi donc les Mendiants durent-ils traiter de la circulation de l’argent, de la formation des prix, des contrats, des règles du marché…

Giacomo Todeschini analyse, en particulier, les travaux de Pierre de Jean Olivi, un Languedocien, qui eut sans doute, à Florence, Dante parmi ses auditeurs. Au‑delà de l’économie, toutefois, l’historien s’intéresse à la théologie autant qu’à la morale sociale telle qu’elle se diffuse et à la vie concrète – notamment celle du fils de marchand, François, de qui vint l’élan initial.

Vivant et synthétique, Giacomo Todeschini montre comment se construit la distinction entre la pauvreté choisie (celle de François) et la pauvreté subie (celle des indigents) avec de multiples conséquences sur la manière de penser la richesse. Déjà s’opposent le capital que l’on fait « travailler » – contribuant à la prospérité de tous – et celui qui s’accumule « oisif » et improductif. Le marchand mobile se distingue du propriétaire foncier, immobile, et le bourgeois conquérant de l’aristocrate thésaurisateur.

Giacomo Todeschini complète et renouvelle les analyses, toujours novatrices, de Max Weber. SaRichesse franciscaine est l’un des livres les plus neufs en ce domaine depuis La bourse et la vie de Jacques Le Goff.