Page des libraires, janvier-février 2008, par Renaud Junillon, Librairie Lucioles (Vienne)

Si le narrateur du précédent livre de Trevisan comptait ses pas en tentant de s’approprier le monde extérieur, les histoires qui composent ce recueil de nouvelles révèlent à l’inverse un monde intérieur et une tentative de saisir ces impressions fugaces qui s’estompent à peine essaie‑t‑on de les nommer. Car c’est bien le langage qui est au cœur de ce livre bâti sur une cinquantaine de récits très brefs, menant en scène tantôt un sentiment, une action, et tantôt un souvenir, une vie passée. Entre conte philosophique et récit intimiste, Trevisan écrit sur le déracinement, la solitude, le travail, les impasses du monde moderne. Les protagonistes sont des êtres blessés, perdus dans un univers qui les dépasse. La forme est musicale, rythmée, scandée. Le terme « short » est directement lié à la musique puisqu’il désignait, dans les années 1940, ces courts métrages qui présentaient des morceaux de jazz. On retrouve dans ces textes ce mélange de construction rigoureuse et de liberté aventureuse, d’improvisation libre.

Ainsi, la nouvelle éponyme Bic est chargée de sens : un célèbre musicologue s’apprête à rédiger le dernier chapitre de son livre consacré à Keith Jarrett lorsqu’il part à la recherche de son briquet. Par un jeu d’échanges entre fumeurs, il est maintenant en possession d’un Bic d’une couleur verte jamais vue auparavant. Partant à la découverte des origines de ce briquet, notre musicologue disparaîtra dans le vaste monde. Pourtant, son essai, incomplet, sera publié, et restera une analyse de référence quant à l’interprétation de Keith Jarrett.