Lire, avril 2000, par Dinah Brand
Les braises de l’histoire
Il parle de soldats de la guerre de quatorze, surtout pas des héros, sûrement pas de pauvres types. Juste des gars fatigués par la connerie du combat et condamnés pour rien. Il raconte en quelques phrases de larges pans de vie : le premier jour du gamin à l’usine, les congés payés et les vestiges de cahiers d’écoliers. Voilà Drancy et le regard du boxeur qui ne jouera plus les doublures de cinéma. Voilà la trace ultime des enfants emmenés dans les camps de concentration qui continuent de pleurer dans la mémoire des riverains. Parfois, pour détendre l’atmosphère, Daeninckx se permet un peu d’humour noir, avec de vrais beaufs et des mariages décalés. Piquant dans la vie, dans les faits divers et dans l’histoire majuscule, il fait son bonheur de tout ce qui pourrait gripper la machine et redonner la parole à celui qui n’ose même plus lever la tête. La distance courte va bien à ce romancier. En deux temps trois mouvements, le monde est là – celui qu’il faut changer, celui qu’on va trop vite oublié –, avec une histoire qui brûle, des hommes qui hurlent et une chute qui souvent étrangle la gorge. Daeninckx choisit ses mots, cisèle ses phrases, ne joue ni les martyrs ni les donneurs de leçons.