Lire, octobre 1999, par Jean-Pierre Tison
Il y a à Saint-Nazaire une brasserie alsacienne dont les menus sont agrémentés d’extraits des Champs d’honneur de Jean Rouaud.
C’est Didier Daeninckx qui nous en informe dans son roman La Repentie, histoire peut-être de rappeler la différence entre la franche boucherie, l’enfer total évoqué par le Prix Goncourt et les combats douteux qu’il a l’habitude de nous raconter, lui. Guerres intestines, règlements de comptes, vengeances larvées.
Son héroïne, ancienne terroriste, condamnée à la perpétuité, sort de prison. Elle doit sa remise de peine au fait d’avoir « donné », sans le vouloir vraiment, son complice principal. Père de son enfant. Sachant que ses ex-camarades de lutte vont tenter de la punir, l’Administration lui fournit une nouvelle identité et de faux papiers. Dans une station balnéaire près de « Saint-Naze » elle rencontre un plongeur, lui aussi rongé par le remords pour avoir, en paniquant, provoqué mort d’homme. L’un et l’autre errent dans les champs intérieurs du déshonneur.
Délations, filature, chantages divers vont piéger le parcours de ces deux « honteux » dénués de bassesse. Le polar se double d’un documentaire à la fois industriel, commercial et touristique : renflouage d’un chalutier, travail en salle de restaurant et gros plan sur un christ sous-marin sculpté autrefois par des moines, en apnée. Pour Daeninckx, lui-même pêcheur d’épaves dans son genre, toute surface est tromperie. C’est en dessous qu’il faut chercher. Dans les replis de la conscience. Dans les alliances, les connivences des « notables ». Là où ça faisande.