Livres hebdo, 20 avril 2001, par Jean-Maurice de Montremy

Bref, c’est Daeninckx

Un vieux marin breton qu’on assassine, un gentil lycéen condamné à perpète par amour. L’auteur de polars revient avec deux courtes nouvelles. Le « cocktail maison » marche à merveille.

Le nouveau « petit Verdier » de Daeninckx compte deux nouvelles pour moins de cent pages. Avec, toujours bien dosé, le cocktail maison : un homme va mourir, il se souvient. Il va mourir parce qu’il a été naïf dans un monde cynique. Il s’est laissé prendre malgré lui par les rouages mafieux.

Et c’est la politique, en fin de compte, qui fait tourner la machine. Mais avant que le narrateur ne trouve la clé de l’énigme – et donc sa mort –, chaque récit fait le plein d’images, comme si le suspense et la grogne de gauche n’étaient, eux-mêmes, qu’un élément du décor.

La Complainte oubliée, une soixantaine de pages, est l’un des textes les plus poétiques de Daeninckx. Un soir, dans une auberge bretonne, le narrateur assiste à l’éviction bizarre d’un vieux chanteur, qu’on retrouve mort. Malheureusement, le vieux chantait sa complainte – chiffrée – en breton. Il faut donc, à notre Parisien, reconstituer le texte, puis en déchiffrer les allusions. Tout renvoie aux patrons du centre de thalassothérapie où il loge et à un réseau de septuagénaires dont le passé plonge jusqu’aux heures noires de la collaboration, quand certains indépendantistes pactisaient avec les SS. Le temps de reconstituer le puzzle (et d’être abattu en posant la dernière pièce), l’enquêteur parcourt les Côtes-d’Armor et le Finistère, avec de superbes descriptions qui semblent l’un des moteurs du récit, dont on apprécie également la documentation historique.

La Mort en dédicace, plus court, donne son titre au recueil. Daeninckx y retrouve la banlieue parisienne, maintenant en restructuration, mais la raconte au passé, du temps des manifestations de jeunes contre le gouvernement Balladur (souvenez-vous, le grand questionnaire national, etc.).

Un lycéen gentiment politisé devient casseur, puis braqueur pour l’amour d’une Fiona en pantalon noir et pull rouge. Assassin de deux policiers, condamné à perpète, il s’évade – dix ans plus tard – pour retrouver sa Fiona. Cavale et souvenirs s’unissent pour faire revivre un Paris qui commence à disparaître. Mais voilà : Fiona lisait trop Jacques Mesrine.

Pas de doute : le bref sied à Daeninckx.