Indications, avril 1997, par Jean-François Grégoire
Michèle Desbordes écrit comme l’araignée tisse sa toile et phagocyte sa proie : avec une patience d’ange et un art de la dentellière ! Quant au lecteur il se trouve pris au piège de ces longues phrases si précisément filées avant d’avoir dit : « ouf ! » – ligoté par la mélancolie qu’exhale cette voix, pétrifié par tant de beauté, et comme asphyxié d’avoir peiné à se hisser au niveau d’un tel souffle ! Cette nouvelle romancière écrit admirablement bien, à la manière hyper-analytique de gens comme Claude Simon ou François Emmanuel. Et il s’en faut peu de peu qu’on se laisse sombrer à force d’être longuement, lentement bercé par cette langue admirablement rythmée, musicale et sinueuse à souhait – au risque de baisser sa garde, d’oublier d’être vigilant et d’être enfin mené sans s’y attendre là d’où surgit la peur, du côté de la folie et de l’amnésie.
[…] Poète, Michèle Desbordes l’est, incontestablement. Romancière également : c’est trop clair. Son art très pointu de maintenir vive la tension dans l’ambiance délétère de la famille problématique qu’elle met en scène frise l’exploit. Pour remporter l’enjeu, elle utilise toutes les ficelles de l’atermoiement, retenant juste ce qu’il faut d’information aux moments cruciaux de la révélation du mystère qui hante l’Habituée comme un fantôme pour maintenir en haleine un lecteur que l’ampleur de ses phrases ciselées n’en finit pas d’essouffler. En tout état de cause, l’éditeur Verdier vient là de faire écho à une fameuse voix : ce premier roman ressemble à s’y méprendre à une très belle promesse !