Lunes, nº 4, juillet 1998

Récits des camps staliniens

[…] Au fil des témoignages des quatorze auteurs, les destins de dizaines de milliers d’autres affleurent ; un peuple entier de femmes défile, avec ses figures ordinaires ou exceptionnelles, les personnalités côtoyées ou seulement entrevues dans les prisons, haïes parfois, aimées et respectées souvent par les narratrices. Et c’est une étonnante leçon de courage et de dignité qui se donne à lire, forçant l’admiration du lecteur pour celles qui ont su résister à la haine comme au désespoir.

« Parfois je m’interroge, écrit ainsi Olga Adamova Sliozberg : qu’est-ce qui fut le plus important dans ma vie ? Avant mon arrestation, je menais l’existence classique d’une intellectuelle soviétique sans parti. Je ne m’étais distinguée par aucune de mes interventions touchant aux problèmes sociaux. […] C’est lorsque ma vie fut ruinée que naquit en moi le désir ardent de lutter contre cette injustice qui avait mutilé une vie qui m’était si chère. J’ai décidé de rester vivante, de dire publiquement tout ce que m’avait enseigné ce temps passé derrière les barreaux. »

Sans prise de position militante ou revancharde, les auteurs laissent aux autres le soin des déductions idéologiques : « Les sociologues, les psychologues tireront un jour des conclusions sur l’époque des bacchanales staliniennes. Étant contemporaine, je ne fais que me souvenir et révéler » (Véra Choults).

Marianne Jaeglé