Scherzo, nº 5, octobre-décembre 1998

Propos recueillis par Anne-Sophie Perlat et Franz Johansson

 

Nous avons rencontré Pierre Michon dans un restaurant chinois, du côté de Saint-Germain-des-Prés, le jour où défilait la Love Parade. Nous avons échangé avec lui quelques mots sur la biologie, l’astrophysique et les divinités aztèques, ainsi que quelques verres de Gamay… Il est sorti de ces quelques heures en sa compagnie l’entretien qui suit.

 

Le choix d’écrire si souvent des Vies peut-il se comprendre comme un besoin de rattacher vos textes à un élément extérieur (événements attestés, œuvres, peintures…), comme s’il n’y avait pas de création ex-nihilo ?

Je préfère ne pas inventer tout à fait. Pour mouiller le récit, pour l’imbiber de larmes, il faut que je me dise que l’homme dont je parle – même si je mens à son propos, même si je déforme sa vie –, peut me demander des comptes. J’ai besoin de m’inventer des contraintes, comme dans une démarche oulipienne : nul ne peut dire que Rimbaud est allé à Moscou en 1975. À partir de là, peut-être que tout ce que je dis est faux, mais s’agit-il bien d’un rapport à la vérité ? Il me faut un référent. Lorsqu’on se promène dans un cimetière, rien n’est émouvant comme les deux dates qui suivent le prénom et le nom…

 

Mais en quoi vos autres livres sont-ils fondamentalement différents du genre romanesque, auquel appartient La Grande Beune ?

Paradoxalement, La Grande Beune est le seul récit qui a été un récit de désir, alors que l’écriture du Rimbaud, par exemple, a été une plus rude épreuve. Peut-être parce qu’avec les êtres qui ont réellement existé, on est mesuré dans ses affections, on pense à l’autre et pas seulement à ses propres appétits. Un récit livré entièrement à l’imagination ne peut être qu’un récit de désir. Mais il y a dans l’invention pure de personnages, quelque chose qui me semble un luxe que je ne peux pas me permettre. Il y a quelque chose là-dedans qui sent le soufre, quelque chose de luciférien. Il me semble inutile de créer de nouvelles vies, de nouvelles morts. Il y a une phrase très belle de Guillaume D’Occam, un théologien du xive siècle : «  Il ne faut pas multiplier le nombre des entités au-delà de ce qui est nécessaire. » (Entia non sunt multiplicanda praeter nacessitatem).

 

Vous connaissez, bien sûr, les textes de Borges à ce propos…

«  Les miroirs et la copulation sont abominables car ils multiplient le nombre des apparences »… Je suis très content de parler de Borges, car c’est quelqu’un dont je me sens très proche et dont je n’ai jamais parlé. Ses ruminations sur les vies écoulées et sur les théories écoulées qui sont pour lui comme des vies elles-mêmes, me fascinent. C’est un auteur que je peux lire et relire sans cesse.

À la question : «  Qui auriez-vous aimé être ? », il y a quinze ans, j’aurais répondu : Faulkner. Mais Faulkner est un alcoolique qui a mal fini. Aujourd’hui je répondrais sans hésiter : Borges. Vieillir aveugle et tranquille comme lui…

 

Et partagez-vous sa méfiance à l’encontre du roman ?

Mis à part les classiques du dix-neuvième siècle, les romans fondateurs, jusqu’à Proust, jusqu’à Joyce, jusqu’à Faulkner, qu’on lit avec attention, ce qui nous passe par les mains maintenant est souvent un sous-produit de ces types littéraires mis en place au siècle dernier. Ces romans sont des exercices rhétoriques sur une forme qui, à mon sens, est assez épuisée. Car, qu’est-ce que le roman au dix-neuvième siècle ? Une étude sociologique doublée d’une histoire d’amour. Je ne crois pas qu’aujourd’hui le roman soit le plus apte à faire cela, le cinéma y parvient beaucoup mieux. C’est évidemment un avis personnel, qui vient surtout du fait que je ne peux plus lire de romans, sauf quelques exceptions vraiment originales, car évidemment il y en a encore. Je pense, en particulier, aux romans qui jouent sur le registre du polar, de la science fiction…

 

Peut-on voir un rapport entre ce refus du roman et le choix de la forme brève qui s’insinue dans vos livres ? Plusieurs d’entre eux se déroulent comme une séquence d’unités brèves suite de six «  vies » dans Vies minuscules, triptyque de Maîtres et serviteurs, trois «  prodiges » et neuf «  passages » qui s’enchaînent dans Mythologies d’hiver

C’est une idiosyncrasie, c’est ma forme en quelque sorte, ce n’est pas un choix idéologique. Quand on me demande de parler du roman, je semble prendre des positions à l’emporte-pièce. En fait, c’est simplement une forme littéraire qui m’est étrangère. Je me souviens d’une anecdote à ce propos. Quand Gaston Gallimard demandait à Henri Michaux : «  Mais quand est-ce que vous nous donnez un roman ? » Michaux répondait : «  Si un roman vient, je le prendrai volontiers, je vous l’apporterai ». Il n’en est pas venu, c’est tout.

 

Lorsque vous racontez des vies d’écrivains ou de peintres, dans quelle mesure la façon dont vous les abordez se rapproche-t-elle ou s’éloigne-t-elle de celle du critique ? Associez-vous par exemple votre démarche à une approche biographique à la manière de Sainte-Beuve ? ou bien s’agit-il plutôt pour vous d’une approche impressionniste ou fictionnelle ?

Cette question est un peu embarrassante, parce que je ne connais pas la critique de Sainte-Beuve, si ce n’est par l’intermédiaire de Proust, comme tout le monde. Je me suis efforcé de ne pas avoir une approche d’histoire littéraire mais un point de vue individuel, subjectif. Par exemple pour mon Rimbaud, j’ai tenté de voir où ma propre personne et la sienne sont en phase. Il est possible que ce texte soit purement fictionnel, peut-être mon poète n’a-t-il rien de Rimbaud. Souvent, il suffit de dire les choses avec conviction pour que les gens y croient et vous disent : «  Ah oui, ça c’est Rimbaud ! » Comme je parle de Rimbaud sur un mode épique plutôt que critique, je bénéficie d’un effet de vérité.

 

C’est sans doute grâce à la forme épique dont vous parlez que les lecteurs ont envie d’adhérer à cette image de Rimbaud, d’aimer ce Rimbaud-là…

Peut-être. Rimbaud a beaucoup souffert des travaux qui ont été faits sur lui, qui l’ont transformé en figure figée, en vieillard. Je me suis efforcé au contraire d’utiliser ce qu’il me restait de juvénilité pour nourrir un face-à-face entre ce que j’ai été dans ma jeunesse et ce qu’a peut-être été Rimbaud.

J’ai lu récemment une étude de Jacques Rancière sur Rimbaud où il dit qu’à trop s’attacher à la figure de la mère, à sa jeunesse, mon texte risque de passer à côté de l’œuvre. Mais je sais pertinemment qu’il n’y a que ce que Rimbaud a lui-même écrit qui prouve l’importance de Rimbaud. C’est pour cela qu’il ne faut pas me demander si je suis du côté de Proust ou de Sainte-Beuve. Il est bien évident que le texte seul fonde ce que fut Rimbaud. Mais le texte étant connu de tous, je ne vais pas en faire une centième exégèse !

 

Le narrateur des Vies minuscules comme le personnage de Rimbaud le fils viennent tous les deux de la province, l’un de la Creuse, l’autre des Ardennes. Faites-vous de la province un lieu fictionnel de prédilection ?

La province n’a pour moi aucune pertinence. Les Vies minuscules narrent les biographies de certaines personnes qui m’ont accompagné et qui vivent vraiment dans la Creuse, mais je ne valorise pas la province par rapport aux métropoles. Vous savez, j’ai écrit Trois prodiges en Irlande pour honorer une bourse irlandaise ; j’ai écrit les Neuf passages du Causse pour honorer une bourse que j’avais reçue en Languedoc-Roussillon, dont les Cévennes font partie ; et comme je recevrai bientôt une bourse du Val-de-Marne, j’écrirai des vies urbaines.

Cependant, si la province semble un lieu privilégié dans mes premiers textes, c’est sans doute parce que mes désirs se sont élaborés dans cette province profonde. Encore une fois je parle ici de ce que je connais. La province, c’est une faiblesse de ma part. Quand j’ai commencé à écrire, j’ai essayé de me justifier comme personne, et ma personne était une personne de province. En somme c’était un moment de mon expérience d’écriture, le moment où je commençais.

 

Justement vos livres décrivent très souvent des naissances : naissance d’une parole d’écrivain dans Vies minuscules et Rimbaud le fils, naissance d’un texte dans Mythologies d’hiver, naissance d’une image dans Vie de Joseph Roulin et Maîtres et serviteurs

Oui, j’aime chercher comment on devient quelque chose, comment on devient ceci plutôt que cela. Les Vies minuscules racontent l’histoire de gens qui naissent, qui auraient pu devenir de grands poètes, de grands évêques, s’ils n’étaient pas nés dans un milieu rural, et qui, par le fait des circonstances, mais de leur volonté aussi, sont devenus des misérables.

 

Mais le thème de la naissance semble très souvent rattaché à celui de la paternité. Est-ce une interrogation déterminante dans votre œuvre ? Et quel rapport faites-vous entre paternité spirituelle et paternité biologique ?

Sans doute le thème de la paternité est-il important dans mon œuvre. Mais j’ai l’impression qu’un écrivain se construit une thématique un peu par hasard : il choisit tel ou tel élément de sa vie en même temps qu’il le force. Chacun est trop multiple pour faire une œuvre unique. Il faudrait en faire plusieurs, au moins cinq ou six comme Pessoa. Lorsqu’on décide de faire une seule œuvre, on choisit une thématique à laquelle on décide de croire, qu’on essaye de fonder sur des choses biologiques, comme la figure du père, sur des fantasmes de transmission, comme cette histoire de maîtres et de disciples pour moi. Mais ensuite, lorsqu’on me demande de parler de la paternité spirituelle dans mon œuvre, j’ai envie de répondre que justement, toute paternité spirituelle me fait défaut. J’ai écrit là-dessus davantage pour combler quelque chose qui n’a pas été que pour rendre compte de quelqu’un qui m’aurait servi de maître ou de mentor.

Il est finalement très compliqué de développer cette question de la paternité, surtout quand on a beaucoup écrit sur ce thème, ce serait comme faire une auto-explication de texte. On s’est enferré dans des vérités qu’on croit telles. Et puis on se rend compte, en prenant du recul, qu’énoncer cette chose comme si elle était vraie n’est pas si évident que cela. L’effet de répétition d’une vérité fait que la troisième fois qu’on la dit, c’est un mensonge. Je ne sais plus qui a dit : «  Une vérité dite trois fois est un mensonge. » On ne peut pas s’imaginer qu’on est soi-même celui qu’on a instauré par quelques textes. Je ne peux pas adhérer entièrement à ce que j’ai écrit. Seuls le peuvent les idéologues, même de très haut vol, comme Péguy ou comme Bernanos. Puisqu’ils définissent leur pensée dans leurs livres, ils ne peuvent que la suivre. Mais quelqu’un qui n’est pas idéologue, un fabriquant de textes comme je le suis, peut se désolidariser de ce qu’il a fait.

 

Est-ce pour cela qu’on peut remarquer la récurrence de certaines formules comme «  je veux croire », de certaines locutions telles que «  ou bien », «  peut-être »…

Il y a plusieurs façons de répondre à cette question. D’abord, on peut suivre Jean-Pierre Richard qui parle à ce propos de «  rhétorique de l’hésitation », ce qui est très juste. Il s’agit là en partie d’un formalisme d’écriture. Et en même temps, cela vient peut-être de ce qu’est ma vie, de mes expériences hasardeuses. Je suis convaincu qu’on ne choisit pas ce qu’on est, qu’on ne peut pas se faire. Il arrive parfois qu’on ait la chance d’écrire les Vies minuscules, ou bien non. C’est toujours à cela que je pense. Si je n’avais pas écrit les Vies minuscules, je serais certainement dans le métro à faire la manche. C’est pour cela qu’on peut dire «  ou bien » : Ou bien il écrit les Vies minuscules ou bien il fait la manche dans le métro.

 

Mais ne peut-on pas voir dans la formule «  je veux croire », en contrepoint de cette poétique de l’hésitation, une poétique de la volonté : non pas seulement un point de bifurcations hasardeuses, mais la naissance d’une deuxième issue commandée cette fois par le désir ?

C’est très juste. Mais cette deuxième portée qui réduit la première à néant est une portée de désir, non une portée de réalité. Ce que «  je veux croire » signifie alors, c’est «  je veux croire que les choses ont été mieux que cela » ou «  je veux croire qu’elles ont été pire ». C’est une optimisation ou un noircissement du réel. C’est aussi un dispositif pour signaler la présence de la fiction, car évidemment tout écrit est une fiction.

 

Peut-on parler de lyrisme pour qualifier votre œuvre ?

Bien sûr. Si l’on entend par lyrisme ce qui chante, je ne peux pas écrire sans chanter. C’est pour cela que la prose me paraît souvent décevante : parce que ça ne chante pas. C’est la poésie qui chante. J’aimerais faire chanter la prose comme l’ont fait Mallarmé, Proust ou Faulkner. Ou bien si l’on considère le lyrisme comme expression de soi, là également, on peut dire que mon œuvre est lyrique. Cependant, qui échappe à cette deuxième définition, si ce ne sont les pages de l’annuaire téléphonique ? Je ne peux pas éviter le lyrisme, puisque quand j’écris, la phrase devient musicale et cette musicalité s’ancre directement dans les fibres du cœur.

 

L’écriture est donc un plaisir, une ivresse ?

Un plaisir phénoménal, parfois.

 

On peut rapprocher certains termes (souvent dotés d’une majuscule) que l’on retrouve présents dans votre œuvre avec une certaine insistance : l’Ineffable, le Sens, l’Absolu, voire, plus près du langage religieux, le Salut, la Grâce ou Dieu…

Je n’emploie pas ces mots pour leur contenu : ils n’en ont pas. Ou bien seulement un contenu fantasmatique. Je les emploie un peu pour faire rebondir la prose, pour l’amener à son plus haut degré et la faire repartir vers un autre sens. C’est un peu comme le bumper dans un flipper. J’ai peut-être pour expliquer ces mots une image qui me semble assez pertinente. Quand j’étais petit, il y avait un pèlerinage dans la Creuse, dans un endroit qui s’appelle Sauvagnat, où ma grand-mère m’emmenait. Ce pèlerinage me fascinait. J’y suis revenu par hasard il y a quatre ou cinq ans. Des paysans y font une fête à leur saint patron avec une estrade sur laquelle apparaît l’évêque de Limoges en grande pompe. Autour de l’évêque, pendant qu’il fait ses incantations, il y a de petits thuriféraires qui balancent dans les airs leur encensoir, qui sautent, qui bondissent, en pleine campagne. L’encens se répand… Je me dis : la prose, c’est comme des thuriféraires, comme des petits types avec des cassolettes, qui dansent autour de cette entité massive qui est l’évêque de Limoges, qui est Dieu, le Sens, la Grâce, l’Absolu… qui est je ne sais trop quoi mais autour duquel il y a les phrases qui se balancent. Ce n’est pas le sens de ces mots qui est important, c’est le fait que par leur interrogation, par leur aspiration vide, ils relancent une séquence de prose. Ces mots vides ont fait rebondir la littérature occidentale depuis qu’elle existe. C’est quelque chose qui marche bien, quelque chose dont la prose ne peut pas se passer.

Roland Barthes disait que le seul mot dans le dictionnaire qui était un gouffre, c’était Dieu. C’est un mot que l’on peut définir et en même temps un des seuls mots dont le référent est invérifiable et qui justement n’en existe que davantage. Ces mots proches du langage religieux sont des sortes de paliers, de piliers absolument imparables dans la prose. J’avoue que je ne peux pas penser écrire un seul texte sans me donner la possibilité de placer Dieu. J’éprouve une jouissance extrême à employer ces mots, à ce bluff qui n’en est pas un. C’est vaguement pascalien. J’ai beaucoup de mal à lire de la littérature complètement athée, de la littérature de notre temps – non pas que je ne sois pas athée moi-même. Il y a une très belle réponse de Matisse quand on lui demande s’il croit en Dieu : «  Je crois en Dieu quand je peins. » Après… non, bien sûr !

 

Pour revenir sur cette idée du mensonge, du bluff, vous sentez-vous confronté à l’impossibilité d’écrire, à l’imposture d’une pose d’écrivain ?

C’est une question que je me pose sans cesse. C’est une imposture, mais nous n’avons que ça. L’art n’est rien, mais nous n’avons que l’art. C’est très inhibant, comme l’est toute liberté.

 

Vous mentionnez souvent Proust. Pensez-vous qu’on puisse trouver une influence proustienne dans votre œuvre ?

Tout l’aspect que l’on dit bergsonien dans l’œuvre de Proust m’est assez étranger. Quand je parle du temps, c’est une plaisanterie. Quant à la période de Proust, c’est un des rythmes qui m’ont le plus marqué, tout comme la période de Faulkner ou celle de Flaubert. Ces trois syntagmes sont les choses les plus fortes, les plus uniques que j’ai lues en prose.

 

On a l’impression que dans Mythologies d’hiver la scansion – de la phrase aussi bien que des chapitres – est devenue plus fragmentée. Avez-vous le sentiment d’avoir infléchi le rythme dans ce sens-là ?

De toute évidence, oui. Il y a plusieurs raisons. La première est que la période longue est quelque chose d’économiquement épuisant. Je ne sais pas ce que Proust en pensait, ni Faulkner… Dans la période, il faut mettre son poids de chair, on y perd des kilos. Alors que l’unité minimale, c’est bien aussi, et c’est plus reposant. L’autre raison, c’est le passage de la plume à l’ordinateur. Les Mythologies d’hiver ont été écrites à l’ordinateur. La période est une chose de la main, comme un acte sportif ou copulatoire, alors que l’ordinateur est plus abstrait. Et pour faire des périodes, il faut avoir une telle croyance dans la littérature. Il faut croire que c’est Dieu justement qui est au bout… ou la grande queue du Mickey…

 

On a l’impression que vous êtes passé d’une esthétique de la pléthore à une esthétique de la pénurie…

Un de mes fantasmes serait d’écrire en changeant complètement d’écriture, sous un autre nom, en étant un autre car ce Michon fondé dans les Vies minuscules, qui n’existait pas avant, qui a existé encore un peu après, j’ai l’impression qu’il n’existe plus. Je le lis volontiers, mais ce n’est plus vraiment moi. S’il pouvait exister encore, je le prendrais, je ferais Vies minuscules II, III, IV… La Recherche du temps perdu !

Je n’ai pas écrit les Vies minuscules pour faire partie des happy few, mais pour avoir le prix Goncourt ! Rien de tel n’est apparu… En fait le désir que j’avais de littérature, était confondu avec un désir impur, un désir de reconnaissance. C’est un peu ce que je dis à propos de Rimbaud. Son idole, quoi qu’il en dise, était Victor Hugo. Ce qu’il voulait, c’est en dix poèmes avoir la réputation qu’avait en France Victor Hugo. Il ne l’obtient pas, et il s’en va. Il a compris que maintenant, s’il reste, il faudra grenouiller parmi les happy few. Voyez-vous, tout cela est mêlé : très souvent quand on parle des attitudes littéraires, on fait l’impasse là-dessus, mais pourtant cela fait partie de la démarche littéraire elle-même.