La Liberté, 15 novembre 2014, par Alain Favarger
Le délabrement de Béziers
Dans un roman bref ou plutôt une longue nouvelle, l’écrivain né à Saint-Denis en 1949 sort un peu des canons du roman policier qui a fait son succès. Avec Retour à Béziers, il exploite la veine de la littérature d’intervention, prenant pour thème l’état pitoyable de l’ancienne capitale du Midi viticole, conquise aux dernières municipales par Robert Ménard, à la tête d’une liste soutenue par le Front national. L’action du livre se situe juste ment le printemps dernier, lors de cette campagne électorale. On y voit Houria, une Française d’origine maghrébine, qui a longtemps vécu à Paris, revenir à Béziers, la ville de son enfance. Elle a soixante-cinq ans, réalise que sa retraite ne lui suffit pas pour continuer à vivre dans la métropole.
Histoire donc d’un repli, d’un retour au décor des souvenirs de jeunesse. Or Béziers, après des années de crise et de mauvaise gestion, n’est plus que l’ombre d’elle-même. Un décor délabré. D’une plume vive et cinglante, Didier Daeninckx montre la tristesse de son héroïne tout en brossant un portrait concret d’une ville à l’abandon, aux vitrines murées, aux cinémas dés affectés, aux façades lépreuses, au petit commerce parti en que nouille. Dealers, relents racistes, une atmosphère pesante, propice au bal des démons, gâche le retour d’Houria, confrontée à la ruine d’une ville jadis florissante, devenue le miroir grossissant de la morosité française.