Télérama, 25 février 2015, par Fabienne Pascaud
C’est un livre qui laisse un étrange et entêtant parfum. De bois et d’herbe mouillés, de terre grasse et d’arbres désolés. Une femme y marche. Seule. Définitivement. Rompue par le chagrin dans ces paysages plutôt ingrats de frontières ou de contrebas. Au hasard de son interminable vagabondage, elle entend de drôles d’échanges dans les bistrots ou sur les chemins. Elle parle à des animaux, devine des présences et des ombres. Elle cherche à confondre son corps avec la nature tout autour, à l’y perdre, à l’y oublier. Pour le réinventer, et enfin le retrouver après avoir étouffé les fatigues et les peines. Il y a du mystique dans cette pérégrination qui s’achèvera bientôt vers le sud, sur la route de Compostelle. Mystique après qu’ait été tuée la matière, crevé le corps, noyées les larmes. Mystique parce qu’il ne reste qu’un grand vide qui appelle soudain le plein. On peut lire alors ce livre-là comme une prière. Avec ses belles phrases comme trouées par l’attention éperdue aux choses, au monde, pour y quêter enfin un sens. Pour son premier texte, Colette Mazabrard manifeste bien du talent. Même si on a l’impression d’avoir lu, déjà, bien des expériences de ce genre et des aventures spirituelles de ce type. On attend avec curiosité la prochaine exploration de la marcheuse au pied pas si léger et aux semelles de terre…