Le Monde, 22 mai 2015, par Pierre Deshusses
Où qu’il se trouve, Joseph Winkler le voyageur ne cesse d’écrire sur la vie de son village, en Autriche, où il est né en 1953. Un lieu bâti en forme de croix, tél le stigmate architectural d’un catholicisme étouffant et morbide. S’il a consacré plusieurs livres à son père, figure intransigeante et brutale, celui-ci est le premier qu’il dédie entièrement à sa mère. L’ouvrage regroupe deux textes : Et la parole prit son envol, suivi de Mère et le crayon, qui donne son titre à l’ensemble. Le premier parle de la vie de sa mère avant sa naissance, comment elle est devenue quasiment mutique en apprenant la mort de ses trois frères durant la guerre ; le second l’évoque telle que l’a connue le narrateur. Comme souvent chez Winkler, des phrases tirées de lectures déclenchent le processus d’écriture, notamment des extraits du Malheur indifférent, de Peter Handke (Gallimard, 1975). Le ton se fait alors plus doux pour évoquer un personnage souvent inaccessible qui ne cessait d’exhorter son fils gaucher à prendre son crayon dans la « belle main », comme une baguette magique.