Actualité juive, 9 septembre 1992, par Antoine Mercier

La cabale : une clarification salutaire

La Cabale a aujourd’hui de plus en plus d’adeptes. Un grand nombre de ses conceptions ont été reprises et reformulées par des théologiens juifs contemporains. Une littérature abondante de vulgarisation s’épanouit autour d’elle. Malheureusement aussi, des cercles variés d’occultistes profitent du fait qu’elle soit encore dans certains esprits synonyme de magie pour s’emparer de son nom et en faire leur label.

Dans cette situation mal contrôlée, le livre de Charles Mopsik apporte une clarification salutaire. Il explique et explore en profondeur, à travers les textes les plus significatifs d’une soixantaine de cabalistes – écrits entre la fin du XIIe et le milieu du XVIIIe siècle –, cette tradition de pensée.

Il s’intéresse en particulier à la croyance selon laquelle les pratiques du culte et les commandements de la Loi agissent sur la divinité (théurgie), c’est-à-dire le pouvoir d’action des œuvres humaines sur D’. « Les cabalistes, explique Charles Mopsik, ont développé une pensée de la sympathie universelle, selon laquelle toute chose est rattachée à une entité supérieure qui est à la fois son archétype et le principe qui maintient son existence. Le bas coïncide avec le haut par une série complexe d’intermédiaires […] ce qui donne à chaque geste effectué sur un élément quelconque de la création, une capacité d’agir sur la puissance spirituelle à laquelle il correspond ».

Ainsi, un acte conforme à la loi produit des effets favorables sur les sphères supérieures. Et, à l’opposé, une transgression a des effets nuisibles dans l’en haut. L’essence divine circule donc en toutes choses et son écoulement peut être à tout moment arrêté, détourné, amplifié et restauré par les actes des hommes.

Charles Mopsik développe ces thèmes dans les analyses qu’il propose des textes choisis. Mais il prend aussi la défense de ce courant de pensée. Pour lui, « Récuser l’existence d’une orientation surnaturelle des actions prescrites par la religion revient à considérer celle-ci comme un juridisme ritualiste […] En perdant tout contact intime et efficient avec le sacré et le divin, une religion devient un système de régulation sociale et politique. En un mot, une police des mœurs. Le risque d’un clivage séparant fondamentalement la vie pratique de la vie de l’esprit est évité par l’explication des commandements développée par la Cabale ».

Le travail de Charles Mopsik s’adresse à tous. L’ampleur et le sérieux de sa recherche peuvent parfois rendre la lecture assez ardue. Un peu plus de didactisme n’aurait sans doute pas nui, non plus que l’élaboration d’un glossaire plus complet.