l’ENA hors les murs, mai 2015, par Robert Chelle

Pourquoi ai-je omis de rendre compte de plusieurs ouvrages d’Alain Lercher ? Pour certains j’ai une excuse : la Boîte à livres n’était pas née … Mais depuis ? C’est un passé à revoir et je m’en tiendrai donc aujourd’hui à son dernier livre, suite de différents récits. douze exactement, d’une belle écriture et qui tous m’ont passionné.
J’ai tenu à remercier mon ami Alain Lercher et vous donne quelques réponses qu’il m’a faites sur son dernier livre paru lors d’un de nos entretiens.

Quel est le sujet du Jardinier des morts ?
Les douze récits qui composent ce livre ne parlent pas tous de la mort, même si quelques-uns l’évoquent. Ils pourraient avoir une unité formelle en ce qu’ils sont tous écrits à la première personne, mais, en avançant dans la lecture, on découvre que chaque histoire est racontée par un narrateur différent. Pourtant, l’ensemble est construit, les histoires s’enchaînent selon une progression, elles se font écho et il s’en dégage une unité. Ce qui sous-tend l’ensemble, c’est peut-être la violence, pas celle des guerres ou des films policiers, mais la violence inhérente à la condition humaine, déclinée sous les diverses formes qu’elle prend dans nos vies : la violence de la mort, certes, mais aussi de l’abandon, de la passion, de la séparation des sexes, du désir d’avoir un enfant ou du regret d’en avoir un, la violence des transformations que subit l’adolescent pour devenir adulte, celle que les hommes infligent aux animaux et celle qu’ils s’infligent les uns aux autres, même et surtout quand ils s’aiment ou essayent de s’aimer.

Ce livre est-il différent de tes livres précédents ?
Chaque livre est différent, bien sûr, et heureusement pour le lecteur fidèle, mais il est aussi dans la ligne de quelques-uns de mes livres précédents. Il adopte la forme courte, comme eux (c’est plus facile à pratiquer lorsqu’on écrit à côté et en plus de son travail, souvent lourd) et il joue avec l’équilibre entre histoire racontée et réflexion. Dans Géographie (Gallimard) et Prison du temps (Verdier), les textes sont d’abord de courts essais, à la manière de Montaigne, si l’on veut, mais dans lesquels sont insérés des récits ou des embryons de récits. De l’autre côté de la balance, dans Le Dos (Verdier) et Le Jardinier des morts, c’est l’aspect récit qui domine, sous la forme de la nouvelle, mais sur lesquels sont greffés des dégagements plus réflexifs.

As-tu d’autres projets en cours ?
Il y a toujours, plus ou moins, quelque chose en train, mais je ne peux parler que des résultats. L’atelier n’est pas ouvert au public !

J’en prends note et je citerai les dernières lignes de ton dernier récit, Trois jours avec un lièvre :
« Mon fils a levé son verre et a dit : Hommage au lièvre ! / pauvre bête ! a dit ma femme. / Oui. a dit mon ami, mais finir en aussi bon civet, c’est tout de même un destin de seigneur ! Le vin était bon, la salade agréable, puis on servit la tarte aux pommes, la meilleure qui fût jamais. ».