Mouvement, 1er septembre 2015, par Fanny Taillandier
Corps politiques
De la vie, il importe peut-être, et surtout, de ne pas sortir indemne. Telle est l’éventuelle morale des deux textes complémentaires que signe Mathieu Riboulet cet automne – parce que les éditions Verdier les publient en même temps, mais aussi parce que leurs contenus se répondent en un jeu d’échos multiples, tant dans leur rythme nerveux, d’un lyrisme qui confine à la rage, que dans les corps que leur langue s’emploie à détailler et à confronter. Dans Lisières du corps, par la célébration méthodique du désir douloureux et enthousiaste ; dans Entre les deux il n’y a rien, parce que l’Europe des années 1970 y est reprise et réfléchie à leur lumière, dans leur sacrifice – politique – mais aussi dans la magnificence de leur désir – tout aussi politique. Oui, c’est une question de morale : « Au corps, il faut confier la force de nos désirs et de nos volontés, lui déléguer le soin de faire de nous des armes, mais donc aussi des cibles. » Le patient travail de Riboulet, ici, pour ressembler formellement à son texte éponyme, n’est pas « œuvre de miséricorde ». C’est la prendre au pied de la lettre pour supporter les fureurs de l’histoire : « Allez vous faire foutre ».