La Liberté, 7 novembre 2015, par Alain Favarger

Suivi à la lettre

Sortie d’un bel essai du regretté germaniste et philosophe Stéphane Mosès (1931-2007). Professeur à l’Université hébraïque de Jérusalem, l’intellectuel a consacré une part majeure de son temps à explorer l’œuvre de penseurs et d’écrivains juifs majeurs du XXe siècle, comme Emmanuel Levinas, Gershom Scholem ou Walter Benjamin. Il s’est aussi beaucoup attaché à la figure du poète Paul Celan (1920-1970) à qui, encore étudiant, il avait posé une question restée célèbre : « Après ce que vous avez vu et subi pendant la guerre, comment avez-vous pu vous décider à écrire dans la langue de vos bourreaux » ?

C’est l’ensemble des essais critiques que Stéphane Mosès a écrits sur l’auteur de Fugue de mort que l’on vient de réunir dans un élégant volume intitulé Approches de Paul Celan. On y appréciera l’extrême finesse et la minutie des lectures de l’essayiste, décryptant avec une certaine allégresse l’œuvre réputée difficile du poète, source d’inspirations parfois contradictoires. Mosès suit Celan pas à pas, de son premier recueil Pavot et mémoire (1952) à son dernier posthume, Enclos du temps (1976). Ou comment le poète, hanté par l’anéantissement des siens par les nazis, réinvestit à sa manière les concepts clés de création, révélation et rédemption, ouvrant par les mots un espace sensible où « le souffle se transforme en voix ».