La Marseillaise, 13 décembre 2015, par Anne-Marie Mitchell
De l’illusion au simulacre
[…] Quant à Youssef Ishaghpour, né à Téhéran, il vit en France depuis 1958. Auteur de La miniature persane, il a écrit de nombreux livres consacrés notamment à Visconti, Ozu, Kiarostami, Welles. Tous les passionnés du Septième Art seront heureux de savoir que la nouvelle édition – revue, augmentée, et illustrée – de Le Cinéma vient d’être publiée par les éditions Verdier/Poche pour la modique somme de 8, 50 euros. Ce cinéma qui, « rêve d’un monde sans rêves », devint rapidement, nous est-il signalé dans l’avant-propos, une promesse de fête et de prodige pour les foules solitaires des grandes villes, avant de prendre une fonction politique et idéologique. Souvenons-nous de Naissance d’une nation, étonnante version « sudiste » de la guerre de Sécession, tournée en 1915 par le réalisateur américain David Wark Griffith. Ce cinéma qui métamorphosa l’image de la réalité en la réalité de l’image, qui « crée un univers d’illusion, de magie, de prestidigitation de grande envergure et de mensonge annoncé. » Voilà pourquoi « on quitte le monde clair pour les salles obscures, où l’on est assis avec d’autres tout en étant radicalement seul, les yeux fixés sur l’écran blanc, sachant que ce que l’on voit n’est pas réel et croyant en même temps à la réalité de cette illusion. » Illusion, transformée, le déplore Ishaghpour, en simulacre et hyperréalité par l’image de synthèse ou de réalité virtuelle. Heureusement, ajoute-t-il, que certains films continuent à « inventer le cinéma en tant qu’image-pensée ». Sept parties composent cet essai, de la naissance du cinéma au cinéma menacé par la prolifération des images. Deux livres-bibles indispensables à tous les véritables cinéphiles.