L’Alsace, 15 février 2016, par A.V.
Elle renonce
Qui est-elle, cette femme ? Une femme libre, détachée de tout orgueil ? Une épouse soumise et dévouée à la carrière de son mari ? Une mère meurtrie ? Une comédienne qui devient caricature d’elle-même ? En refermant Quarante roses, l’époustouflant et dense roman de l’écrivain suisse Thomas Hürlimann, le lecteur reste indécis, ébloui par un portrait si finement, si poétiquement sculpté, en tension jusqu’au point final. Elle, elle est Marie Minet, la fille d’une riche famille juive de tailleurs esthètes, pianiste au talent prometteur. Elle est aussi Marie Meier, l’épouse d’un politicien en devenir qui voit en elle son indispensable « first lady » pour assurer du lustre à son ascension. Elle qui a dû fuir la Suisse à l’arrivée des Nazis, a subi l’abandon paternel à l’adolescence, a trouvé la force de sortir de son pensionnat-prison, elle renonce. Elle renonce sans pourtant rien avoir choisi. Elle renonce à qui elle aurait pu être pour devenir une autre. Quand bien même cette autre serait son ombre.