L’Indépendant, 21 février 2016, par Serge Bonnery
Les travaux et les jours
En 2006, paraissait aux éditions Verdier le premier tome du Carnet de notes de Pierre Bergounioux. Il couvrait la décennie 1980-1990 en 951 pages. Les deux suivants dépasseront le millier. Pierre Bergounioux, écrivain méticuleux, entomologiste de la langue dont les livres ne dépassent que rarement la centaine de pages, dévoilant soudain au grand jour l’activité dévorante que représente la tenue rigoureuse d’un journal quand il s’agit de rendre compte jusqu’à l’infiniment petit de nos vies, les lessives, les repas préparés à la hâte, les enfants que l’on conduit à l’école, les courses au supermarché, la vie à Gif, en région parisienne, les vacances à Bordes sur le plateau de Millevaches… À l’écriture, ici, rien n’est étranger. Cette ambition de totalité fascine. Les premières pages du quatrième volume balancent entre la lecture des Leçons sur la philosophie de l’histoire de Hegel et la panne récurrente de la machine à laver. Lire ce Carnet, et ce faisant s’introduire chez Pierre Bergounioux sur la pointe des pieds, se taire et regarder, revient à mesurer la chance qui nous est donnée de vivre dans la présence de cet écrivain. À travers ses livres, il est devenu, pour nombre d’entre nous, un contemporain capital.