Livres hebdo, 4 mars 2016, par Véronique Rossignol
Béatrice Commengé piste Lawrence Durrell sur les lieux de sa vie
À Sommières où Lawrence Durrell a passé les vingt-quatre dernières années de sa vie nomade, l’histoire locale raconte qu’il a choisi pour base en 1966 cette bourgade du Gard car l’auteur du Quatuor d’Alexandrie avait trouvé là la synthèse des paysages des rives de la Méditerranée familiers et tant aimés. La lecture d’Une vie de paysages, minutieuse enquête géobiographique de Béatrice Commengé, apporte de l’eau au moulin de cette légende tout en nuances. Car tous les lieux, tous les bleus de Durrell sont dans ce récit qui débute à l’été 1976 lorsqu’une jeune étudiante d’une vingtaine d’années rencontre chez lui pour la première fois r écrivain britannique à l’œuvre déjà consacrée.
Dans une disposition d’esprit qui avait déjà présidé à l’écriture de Voyager vers des noms magnifiques (Finitude, 2009) et de Flâneries anachroniques (Finitude, 2012), Béatrice Commengé a donc suivi les traces de Durrell, ce « déraciné professionnel », quittant à 11 ans son Inde natale pour l’Angleterre. Ce qu’elle cherche ? Eclaircir l’énigmatique déclaration que lui avait faite «Larry » ce jour de 1976 : « Tout ce qui sort de moi est un paysage. » Le même qui écrivait à 24 ans, dans une lettre de Corfou adressée à son ami Henry Miller, que pour lui l’espace comptait plus que le temps.
Elle le piste de Darjeeling à Londres et Bournemouth, de Corfou à Alexandrie, d’Argentine à Chypre et jusque dans le sud de la France. Elle se met dans les yeux de Durrell. Elle tente de pénétrer son « rêve de Grèce », son « islomanie » cette « « ivresse » inexplicable qui saisit le malade dès qu’il séjourne dans un petit univers entouré d’eau », de comprendre comment les lieux de la vie se répondent entrent en correspondance. Et dans cette traversée des paysages, qui tient aussi du voyage dans le temps, la permanence du ciel, de la lumière crée une connivence très intime, par-dessus les années.