La Liberté de Fribourg, 9 avril 2016, par Alain Favarger
Le journal des années sombres
Beau défi que celui que relève depuis plus de trente-cinq ans, l’écrivain né à Brive-la-Gaillarde en 1949. Ou comment noter au jour le jour ou presque le fil de son quotidien ? Entamé en 1980, ce carnet de notes en est à sa quatrième tranche, celle des années 2011-2015, chaque volume représentant environ mille pages sur papier bible. Aucun diariste ne dit jamais tout, mais à l’image de ses grands devanciers (Joubert, Tolstoï ou plus près de nous Charles Juliet), Pierre Bergounioux livre beaucoup de lui-même, de son parcours et de ses passions.
Hanté par une sorte de complexe de provincial à l’égard du magistère parisien, il s’en est petit à petit délivré. Installé en périphérie de la capitale, allant longtemps au charbon dans un modeste collège, officiant en fin de carrière à l’École des beaux-arts, il a bâti une œuvre littéraire cohérente, d’une intense veine poétique et angoissée. Tout ce que l’on retrouve dans son journal intime entre aveux, non-dits, chronique des jours ordinaires et éclats de pure jubilation. Avec cette fois, une tonalité plus grave, due aux affronts de l’âge. Cette vieillesse qui ronge son propre corps comme elle dévaste celui de sa mère paralysée et aphasique à qui il rend visite quasi quotidiennement. À lire à petites doses parce que, envers et contre tout, palpite encore le plaisir de la littérature.