Le Point, 1er mai 2016, par François Gauvin
Marc Aurèle démasqué
Cela passe pour une évidence : l’empereur Marc Aurèle (121-180) était aussi philosophe. En témoigneraient ses Pensées pour moi-même, un best-seller mondial. Mais Pierre Vesperini n’est pas de cet avis. Certes, Marc Aurèle puise souvent dans le stoïcisme, un système fondé en Grèce près de cinq siècles avant lui et qui avait conquis les Romains, peut-être parce qu’avec lui, vertu et virilité sont à l’honneur. Mais pour notre historien, l’empereur ne se gêne pas pour emprunter des opinions à l’école rivale, celle des épicuriens, ces adeptes du plaisir que les stoïciens traitaient de pourceaux. Serait-il alors un philosophe éclectique ? D’aucuns l’ont suggéré. Que nenni, répond Vesperini pour qui les Pensées ne sont que de simples « discours philosophiques » (logoi philosophoi). Le maître de Rome se les adresse pour se « tenir » en toutes circonstances et, entre autres, pour ne pas céder à cette mélancolie qui le tiraille et qu’il associe à un « caractère de femmelette »… Ses fameuses réflexions ne seraient donc qu’une suite de mots d’ordre thérapeutiques, que l’empereur met par écrit pour s’en souvenir au moment opportun. Peut-être, s’il avait été chinois, aurait-il repris une phrase de Lao-Tseu… Pour Vesperini, « Sa Majesté » était donc moins philosophe que soucieux de donner le meilleur de lui-même, et en cela conforme à la bonne éducation romaine. L’auteur casse donc l’image du philosophe-roi en ramenant à la surface celle du bon roi bon élève, avec style, érudition et esprit.