Livres hebdo, 2 décembre 2016, par Olivier Mony
Chien fidèle
Michel Jullien, en styliste littéraire accompli, incarne à merveille personnages et décors.
Quatre ans, quarante-trois kilos. Voilà Denise, fidèle et joyeuse héroïne du troisième roman de Michel Jullien, Denise au Ventoux. Pas vraiment un nom courant pour une chienne, bouvier bernois, boule de muscles et de douceur, éperdue de reconnaissance et sans doute d’amour envers l’homme qu’elle accompagne, Paul, le narrateur. Pour la récompenser de sa constance et la distraire des trop coutumières promenades sur les trottoirs parisiens, et profitant de la nécessité de devoir se rendre dans le Sud pour venir en aide à une amie, Paul va offrir à Denise quatre jours de balades sur les pentes du mont Ventoux. L’un et l’autre y trouveront peut-être quelque chose comme un accomplissement, un mystère.
Il n’y a pas en littérature de petits ou grands sujets. Il n’y a que le style. Et Michel Jullien est l’un de nos plus accomplis stylistes. Les lecteurs de cette manière de tour de force romanesque qu’était déjà Yparkho (Verdier, 2014) ne seront pas surpris de retrouver en ces pages une identique grâce. Chez Jullien, les âmes sont des paysages et les paysages (ici, le « mont chauve » donc, merveilleusement décrit par cet arpenteur et alpiniste aguerri qu’est aussi l’auteur), la ligne d’horizon du récit. Son art ne se conjugue que de silences et de frôlements, sans jamais tomber dans le piège du maniérisme. Chaque personnage du livre, chaque décor, est merveilleusement incarné. En ce sens, Michel Jullien est sans égal parmi ses contemporains et braconne plutôt du côté des mystères à demi-mot du grand Henri Thomas.