Art press, février 2017, par François Poirié
En 2006, Patrick Autréaux avait décidé d’arrêter sa pratique de psychiatrie d’urgence. Après un triptyque sur l’expérience de la maladie (Dans la vallée des larmes, Soigner et Se survivre), il avait publié un roman, Les Irréguliers. Dans son nouveau livre, La voix écrite, un récit bouleversant mais sans pathos, le propos est profond : les liens entre maladie, médecine et écriture sont interrogés sans concessions, avec, en arrière-fond, l’amitié d’un vieil homme, Max, être subtil et mystérieux, psychanalyste qui pense que « les livres nous analysent aussi, même ceux que nous n’aimons pas ». Le narrateur tombe gravement malade (un cancer). La réalité devient implacable, le temps exclut l’imaginaire, l’angoisse est de chaque instant. Seuls quelques livres demeurent lisibles : ceux de Charlotte Delbo, Être sans destin d’Imre Kertész, les mystiques… Impossible, en revanche, de tolérer les écrivains qui mentent, qui trichent. La peur de mourir ne supporte que la vérité. La vérité, Max, son éditeur et ami, la lui apporte. Ils nouent une amitié sans fard, où la différence d’âge ne signifie pas grand-chose et n’empêche pas les confidences les plus essentielles. Relation infiniment précieuse qui aidera le jeune médecin qu’est le narrateur à se muer en écrivain à part entière. Autréaux décrit magnifiquement, par petites touches, les personnes et les situations. Et n’hésite pas à convoquer les sentiments, les effrois, les pleurs. Quant à l’écriture, il s’agit de « creuser, creuser en soi, creuser sa pensée en s’évidant, en s’emplissant d’espace, de temps, de vide ; et écrire ce que l’on doit ». La voix qui écrit en nous répond-elle à une mission, à une culpabilité, à une sorte de séparation de soi, qui nous obligent à persévérer ? « J’ai toujours choisi l’école des entêtés » est la réponse de Patrick Autréaux.