Livres hebdo, 24 février 2017, par Véronique Rossignol
Les garçons sauvages
David Bosc propose quatre récits qui illuminent des destins de réfractaires
Qu’est-ce qui lie ces quatre récits dans ce recueil de David Bosc qui emprunte son titre à Rimbaud dans Les illuminations ? Le Sud peut-être, où se nouent les destins de quatre personnages au statut social très différent, à quatre temps plus ou moins éloignés de l’Histoire : la Parme médiévale dont le mythique empereur germanique et roi de Sicile Frédéric II fait le siège en 1248 ; l’Espagne franquiste de Miguel Semper, maçon couvreur engagé dans les troupes antifascistes ; l’arrière-pays aixois où l’on juge, le 18 février 1729, le valet de ferme provençal Honoré Mirabel, qui a trop rêvé de « cet autre pays qui est partout quand on est riche » ; Marseille et sa jeunesse pirate au début des années 2000.
Relever les déluges peut aussi être lu comme une variation sur l’art d’être réfractaire et la manière individuelle, singulière, d’interpréter à travers les âges la partition liberté-égalité-fraternité. Que l’on soit roi, « pauvres diables » ou « onagres », ces ânes sauvages croisés dans certains versets des Écritures, que le héros du dernier récit, jeune activiste un peu à distance, affiche sur les murs de la ville. De cités cosmopolites en camps grillagés au bord de la Méditerranée, de guerres de position en guérilla urbaine, de désirs d’ailleurs en pulsions d’abordage, les sauts dans l’espace et le temps soulignent le sentiment d’un Moyen Age sans fin.
Le format resserré de la nouvelle n’empêche pas l’auteur de La claire fontaine (Verdier, 2013), fiction autour des dernières années de Gustave Courbet en exil en Suisse, et de Mourir et puis sauter sur son cheval (Verdier, 2016), de déployer avec une rare élégance sa langue intemporelle.