Etudes, mars 2017, par Agnès Mannooretonil

C’est un beau titre : dans son apparente simplicité, il rend présente l’étonnante métamorphose, la patiente « mise en forme » de l’intériorité que permet l’écriture. Cette exigence vitale, la connaissance de soi, qui détermine l’écriture de soi (et non l’inverse), habite tout lecteur, et ces carnets d’une vocation d’écrivain rappellent avec une netteté singulière que l’écrivain véritable permet notre éveil, lors même qu’il s’exprime sur son art. Est-ce que le destin d’Orphée ne concerne que les musiciens ? Comme il avait rapporté de sa descente dans l’enfer de la maladie trois viatiques (Dans la vallée des larmes, Soigner et Se survivre), Patrick Autréaux relit, avec précision et une compassion remarquable pour lui-même, un itinéraire intérieur qui le mena, lui, vers l’écriture, mais où tout un chacun peut trouver une ligne de vie, des repères spirituels pour poursuivre sa propre recherche. On ne raconte pas plus ce livre qu’une conversation privée avec un ami, mais on peut en dire ce que cela dérange et réarrange en soi. Autréaux, en retraçant la progressive acceptation de ses différences – la description d’une inadaptation à son milieu social est particulièrement juste –, son abandon de l’exercice de la médecine après sa maladie, l’appel impérieux de l’écriture, sa relation de confiance lentement construite avec « Max » (le psychanalyste et éditeur Jean-Bertrand Pontalis, qui n’est pas nommé), affirme page après page le caractère essentiel de la recherche de la vérité. Parole forte, parole profondément spirituelle, même si Dieu semble s’être retiré de cette histoire personnelle : il y a laissé, magnifique et intact, le désir, l’appel, « la faim de vérité, la faim de présence ». Que soit remercié Autréaux d’avoir su fendre « la brume informe » de son propre cœur, d’avoir passé des seuils pour que d’autres puissent se dire : « Ici, un homme est passé » et aient le courage de vivre jusqu’au bout.