La Croix, 23 mars 2017, par Patrick Kéchichian
Chants pour un enfant mort
Deux livres sur le décès d’un fils, hors de toute illusion d’une communauté des deuils.
Il serait irrespectueux de créer une catégorie pour ranger les livres de deuil. Soulignons donc que le rapprochement entre les ouvrages de l’Autrichien Wolfgang Hermann et celui du Français Pierre Jourde est fortuit, ou de simple circonstance éditoriale. Certes, les deux écrivains ont perdu chacun un fils, de maladie, presque au même âge. Fabius, chez Hermann, avait 17 ans. Il meurt un jour de novembre à la suite d’une fièvre a priori non alarmante. Gabriel, Gazou, le fils de Pierre Jourde, vient d’avoir 20 ans quand il meurt d’un cancer après quelques mois de traitement et de brèves rémissions, en mai 2014, à l’hôpital de la Pitié, à Paris. Après, chacun cherche, trouve ses propres mots. Il n’y a pas d’amicale des endeuillés – Jourde, rapportant une anecdote hospitalière à la fin de son récit, en atteste.
Même si le doute n’est pas permis sur la réalité des faits rapportés, le livre de Hermann ne se présente pas comme une autobiographie. C’est une brève élégie, un chant, une prière où la personne aimée survit dans la parole qui lui est adressée, où la mort, par la force du souvenir, n’est plus une « barrière ». Les événements de la vie d’avant se rassemblent, à cet instant où la douleur se fait conscience, où « la peau du monde se retourne d’un coup ». Écrire n’est pas une consolation, c’est la tentative d’instaurer, au travers des larmes, sans les assécher, une très fragile sérénité. « Le cri qui m’habitait tout entier était trop faible pour durer, il s’éteignit… »
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