Siné Mensuel, avril 2017, par Patrick Raynal
Maux de tête
Si la vérité fait mal, elle reste la vérité et se place au-dessus de tout pour le personnage d’Emmanuel Venet, atteint du syndrome d’Asperger.
Tout le malheur des hommes, disait Pascal, vient d’une seule chose qui est de ne pas savoir rester en repos dans une chambre. C’est manifestement l’opinion de l’homme qui se livre au long des 120 pages de Marcher droit, tourner en rond d’Emmanuel Venet. Atteint du syndrome d’Asperger, il ne s’intéresse qu’au Scrabble, aux catastrophes aériennes et à Sophie dont il est amoureux mais qu’il n’a pas revue depuis trente ans. L’ennui, c’est qu’on l’a obligé à sortir pour les funérailles de sa grand-mère et qu’il ne supporte pas d’entendre la bigote de service en faire une hagiographie révoltante pour un tel fana de la précision. Il faut préciser que la grand-mère Marguerite est, selon lui, « a peu près aussi incapable de réfléchir que d’aimer ». Alors il s’acharne à rétablir la vérité et brosse le tableau de sa famille en une série de portraits au vitriol d’où n’émergent qu’un grand-père mort et un père manifestement aussi à part que lui. On pense à Chabrol et à Buñuel tant cet exercice de démolition d’une petite bourgeoisie de province mesquine et médiocre est délectable. Et puis, comment, pourrait-on ne pas aimer un personnage qui remarque que « le simple fait d’appeler centenaire une personne de quatre-vingt-dix-neuf ans et cinquante et une semaines ruine la crédibilité du discours tout entier » ?