L’Alsace, 28 mai 2017, par Jacques Lindecker

Folies

Célèbres ou anonymes, les quatre personnages de Relever les déluges (un vers d’Arthur Rimbaud), parsemés au gré du passé, racontent également la vie d’« innocents aux mains pleines » emportés par des événements qui les dépassent. David Bosc revient d’abord au début du XIIIe siècle pour se pencher sur le règne de Frédéric de Hohenstaufen, devenu roi à l’âge de douze ans, qui survivra aux « loups » qui l’entouraient, qui va conquérir la moitié du monde « sans presque jamais tirer l’épée », apprendra neuf langues, se penchera sur l’immortalité de l’âme ou l’origine du langage par de cruelles expériences. Il était roi, il pouvait tout se permettre. Il se permettra tout.
Nous suivrons également Honoré Mirabel, un valet de ferme qui aura échappé au tremblement de terre de Manosque en 1708 puis à la grande peste de 1720… avant d’être torturé et condamné aux galères pour avoir inventé la découverte d’un trésor. Vient ensuite un maçon espagnol, Miguel Samper, pris durant l’été 1936 dans l’absurdité et la sauvagerie des combats entre républicains et fascistes. Et enfin Denis à Marseille en décembre 2002, sympathisant (surtout de Mathilde, l’une des leurs…) d’un groupe d’anarchistes qui s’est lancé à l’abordage d’un bateau-restaurant. Un portrait complexe des révoltés et de son ennemi, le « bourgeois », cet « être auquel on doit l’invention de l’individu, le miracle de la solitude, la mélancolie, la floraison et la défense des arts. » David Bosc enflamme la « porcherie » des époques par la poésie ; son écriture est impétueuse, ardente, exaltée. Magnifique.