Livres hebdo, 19 mai 2017, par Laurent Lemire

Soin des autres, soin de soi

« Le sujet de ce livre est donc la France. » Le donc est important, car il est question d’autre chose dans ce bref essai, aussi poétique que politique. Marielle Macé (CNRS) y poursuit son travail sur les liens entre la littérature et l’existence. Dans Façons de lire, manières d’être (Gallimard, 2011), elle abordait les rapports entre la lecture et la manière de penser la vie. Dans Styles (Gallimard, 2016), elle analysait les nouvelles manières d’engagement autour d’Occupy Wall Street aux Etats-Unis, de Podemos en Espagne ou de Nuit debout en France. Elle propose ici une conjonction des deux, à partir de l’observation d’un lieu, le quai de la Gare à Paris où se trouvait un camp de migrants, au pied de la cité de la Mode, à côté d’une discothèque branchée et en face des bateaux-restaurants amarrés. Voisinages sidérants, constate Marielle Macé. Mais qu’en faire ? C’est là qu’intervient la littérature dans ce qu’elle nous apprend des autres et de nous-mêmes. Elle cite l’homme précaire de Malraux, ce lecteur qui se sait aussi périssable que ses livres, ou Walter Benjamin dont la bibliothèque ambulante rétrécit au fil de ses exils.

« Il faut vouloir définir le pays comme quelque chose que l’on peut quitter, et qui se définit justement par l’infinité de départs qu’il autorise, en pratique, en pensée (et aujourd’hui spécifiquement, c’est si clair : en accueil). » Se laisser sidérer pour pouvoir considérer, c’est-à-dire quelque part prendre soin, des autres, mais aussi de soi. Avec une certitude : « Il n’y a pas de vie sans qualité. »