Le Figaro, 6 février 2018, par Astrid de Larminat
L’auteur subtil et torturé du Corps des anges et des Œuvres de miséricorde, Prix Décembre en 2012, est mort des suites d’un cancer, a annoncé Colette Olive, son éditrice chez Verdier.
L’écrivain Mathieu Riboulet, né en 1960, est mort le 5 février à Bordeaux des suites d’un cancer. C’était un auteur érudit et sulfureux, subtil, torturé par la chair et la violence, qui oscillait entre un désir de béatitude céleste et le désespoir qui guette les idéalistes. Les titres de ses romans en disent long sur les thèmes qui le hantaient: Les Âmes inachevées, Le Corps des anges, L’Amant des morts, Les Œuvres de miséricorde.
Le Corps des anges (Gallimard) est l’histoire de deux hommes qui ne s’expriment plus qu’à travers les brutalités qu’ils infligent à leur corps. Dans L’Amant des morts (Verdier), il est question d’un couple formé par une soixante-huitarde parisienne et un bûcheron à l’époque du rêve libertaire. Un fils leur naît en 1971. Un autre couple se constitue bientôt entre le père et le fils, aimantés par une attirance sexuelle brutale. Obsédé par le mal et la rédemption, l’auteur mêle lyrisme, mysticisme, sentimentalité et réalisme cru. Ce roman est aussi une histoire du sida. Il y avait chez Mathieu Riboulet une sensibilité proche de celle du grand peintre, Le Caravage.
Le corps de l’ennemi
Les Œuvres de miséricorde (Verdier), pour lequel Mathieu Riboulet obtint le prix Décembre en 2012, raconte le voyage intérieur d’un homme qui part en Allemagne. Il est en quête du « corps de l’ennemi » qui a fait effraction dans le «corps de la France» à trois reprises en 1870, 1914 et 1940: « Chemin faisant, j’ai tenté d’y voir un peu plus clair dans les violences que les hommes s’infligent – historiques, guerrières, sociales, individuelles, sexuelles, massivement subies mais de temps à autre, aussi, consenties –, dont l’art et la sexualité sont le reflet et parfois la splendide, indépassable, bienheureuse expression, et de les lier du fil de cet impératif de miséricorde qui fonde notre culpabilité pour être, de tout temps et en tous lieux, battu en brèche. »
En 2015, Mathieu Riboulet avait coécrit Prendre dates, un livre sur l’attentat contre Charlie hebdo, avec l’historien Patrick Boucheron, auteur récemment d’une Histoire mondiale de la France , ouvrage controversé qui a fait grand bruit. Ce mardi, à la Grande table, sur France Culture, Patrick Boucheron rendait hommage à l’écriture « magnifique » de Mathieu Riboulet et à sa « manière de comprendre ce qui nous fait si difficilement contemporain ».
Mathieu Riboulet était originaire de la Creuse, région à laquelle il était resté fidèle et où il séjournait régulièrement pour écrire, loin des tentations et diversions parisiennes.
Ses premiers livres, Un sentiment océanique, Mère Biscuit, Quelqu’un s’approche, Le Regard de la source, avaient été publiés par Maurice Nadeau.