Initiales magazine, décembre 2019, par Anaïs Agar, Librairie Le Carnet à spirales à Charlieu
Lorsque Anne apprend la mort de son père Janus resurgissent les souvenirs de famille. De retour dans sa maison d’enfance, elle les redécouvre et les approfondit à travers chaque objet, alors que son son entourage lui dit de « tourner la page ». Elle ne veut pas et préfère enregistrer les bruits de l’habitation, craignant de ne plus jamais les entendre. Cela va lui permettre de mieux comprendre cet homme ambigu, fascinant et original, « au chapeau décoré de plumes glanées par terre », mais terrifiant. « Il exigeait le silence : la contemplation des merveilles de la nature ne serait que plus intense, les petits animaux ne seraient pas dérangés et l’agencement du tout-cosmique respecté. Mais on savait bien que c’était surtout l’agencement de sa saoulerie qu’il fallait respecter. »
Anne va dès lors exprimer, entre le jour où elle apprend sa mort jusqu’à son enterrement, sa haine profonde pour un père brutal, mais aussi, progressivement, un amour incommensurable pour cet homme également affectueux, alors que celui-ci laisse un souvenir essentiellement négatif dans son entourage, de part se violence dans les dernières années de sa vie. Lorsque Anne arrive enfin à pardonner, elle se retrouve affreusement seule sans aucune autre personne avec qui réellement faire son deuil. Oui, elle est seule, seule à être chamboulée : ce qui était évident jusque-là ne l’est plus. L’écriture est percutante, rythmée, acide, douce et empathique. Anne Pauly arrive avec majesté à partager ces sentiments complexes qui basculent de la haine à l’amour. Elle décrit avec finesse le paradoxe de l’esprit humain qui n’est nu bon ni mauvais, ni tout blanc ni tout noir, à travers un cynisme impitoyable. Cet humour cinglant se retrouve dans les surnoms qu’elle lui donne : « mon macchabée, ma racaille unijambiste, mon roi misanthrope, mon vieux père carcasse. »