Études, octobre 2021, par Victor Loizillon

Bien qu’il n’ait pas réellement d’âge, monsieur Faustini présente les manies d’un vieux garçon qui perçoit le monde comme un enfant. Chaque déplacement, chaque rencontre, prend pour lui l’épaisseur d’une aventure qu’il ne manquera pas de ressasser le soir venu. Aussi, la perspective de rendre visite à sa sœur dans le Trentin devient immédiatement une affaire grave qu’il s’agit de planifier avec la plus grande rigueur. La sensibilité de cet antihéros exaspère tout autant qu’elle attendrit, exacerbée par le ton candide adopté par Wolfgang Hermann et restitué dans une oralité chargée d’humour par son traducteur Olivier Le Lay. Ses émotions parfois déroutantes et son regard oscillant entre l’angoisse et le désir nous font accéder à une société ingénue, où la moindre perversité ou le moindre calcul suscite l’incrédulité. Dans ces contreforts lacustres des Alpes autrichiennes, aux confins de l’Allemagne et la Suisse (et du Liechtenstein voisin, comme le rappelle malicieusement l’auteur), le paysage épouse la simplicité juvénile de Faustini, les autocars se révèlent romanesques comme les trains régionaux et la porte de chaque magasin s’ouvre sur une saynète cocasse. La pitance du chat et l’eau des fleurs deviennent des enjeux majeurs, rivalisant avec les événements culturels les plus courus du lac de Constance. Contrairement à André Gide qui, encore enfant, se plaignait à sa mère de ne pas être « comme les autres », monsieur Faustini ne semble pas éprouver la conscience de sa différence, ou plutôt de son originalité, et de cet aveuglement découle toute sa spontanéité. C’est à ces tempéraments plus humbles et vulnérables que ce court roman rend hommage, avec légèreté.