Ballast, 30 septembre 2020, par L. M.

On sait aujourd’hui la situation dramatique dans laquelle la psychiatrie publique française est plongée. Les critiques, les luttes sont constantes. Elles émanent surtout de praticiens qui se battent pour que cesse la dégradation des moyens qui leur sont alloués – on se souvient du personnel de l’hôpital du Rouvray qui, en 2018, a entamé une grève de la faim pour obtenir la création de postes dans l’établissement. Mais les critiques émanent aussi d’une faction davantage universitaire de la psychiatrie, laquelle se rallie bon an mal an aux politiques publiques tendant à la standardisation, à l’objectivation des actes de soin. Ainsi, nous dit-on, il ne s’agit pas d’augmenter les budgets du secteur psychiatrique, mais de simplement le réorganiser ! C’est là le danger. Écrivain et psychiatre à l’hôpital lyonnais du Vinatier, Venet prend ici position contre le mouvement néo-psychiatrique qui défend une approche neurogénétique des pathologies mentales, approche particulièrement compatible avec la logique néolibérale de quantification et d’objectivation des données. À l’heure où le standard menace de l’emporter sur le sujet, la vraie menace réside précisément dans ce glissement épistémologique qui pourrait conduire à saper méthodiquement, et définitivement, le principe-même de la relation thérapeutique. Car si tout s’inscrit dans un régime de causalité neurobiologique, à quoi bon élaborer patiemment, lentement, une relation singulière avec un patient ? Ce manifeste est donc celui d’un praticien inquiet de voir le corpus théorique et pratique de la psychiatrie se réduire, se scléroser au contact d’un neuroscientisme hégémonique. Ce que Venet défend, c’est la liberté pour les praticiens de penser leur pratique et de mobiliser les corpus théoriques de leur choix (psychanalyse, psychologie institutionnelle…). Ce qu’il défend surtout, in fine, c’est cette entité si difficilement saisissable et impossible à quantifier qu’est le psychisme, ce « bastion du libre arbitre et de la subjectivité ».