Midi libre, 25 novembre 2021, par Vincent Coste
Alain Montcouquiol : « Christian, mon frère, est devenu un symbole, un mythe »
Il y a trente ans disparaissait Nimeño II, Christian Montcouquiol, figure emblématique de l’histoire de la tauromachie française. Alors que Nîmes lui rend hommage, son frère, Alain, se souvient.
À Nîmes, chez lui, il est partout. Encore plus que d’ordinaire, depuis quelques jours, quelques semaines, à l’occasion des événements et cérémonies entourant le trentième anniversaire de sa disparition.
Nimeño II, Christian Montcouquiol, pose devant les arènes, enfin sa statue, comme toujours. Mais autour du monument antique aussi, accroché aux grilles, sur de belles photos noir et blanc aux tirages soignés. Au musée des cultures taurines, forcément, il a un espace dédié. On le retrouve encore dans les belles pages que lui consacre l’édition nîmoise de Midi libre, et témoignages et photos bouleversent. Et, bien sûr, dans la mémoire collective nîmoise, aux souvenirs ravivés comme jamais.
Par contre, nul besoin d’une célébration pour qu’il occupe un peu plus de place dans les pensées de son frère Alain. L’aîné, le mentor, le précurseur aussi. Celui qui, avec Simon Casas, un autre Nîmois, aspirant matador comme lui, initia dans les années 1970 le mouvement des toreros français, les deux hommes, théorisant l’idée même d’une tauromachie tricolore.
Une autre époque
C’était un temps où l’on pensait que seul un garçon ayant du sang espagnol coulant dans les veines était capable de toréer. Une époque où imaginer qu’un Français puisse devenir une vedette de la tauromachie en France, en Espagne et en Amérique du Sud, comme cela arrivera avec le Biterrois Castella ou l’Arlésien Bautista, relevait de l’utopie fantaisiste.
Des années où on aurait ri au nez de celui osant affirmer qu’un Nîmois dirigerait au xxie siècle les arènes de Madrid (qui sont à la tauromachie ce que la Scala de Milan est à l’opéra italien, en gros), comme le fait aujourd’hui Simon Casas.
Bref, un autre âge. Et c’est Nimeño II qui a permis à la tauromachie française d’entrer dans une nouvelle ère, concrétisant par son talent et son courage, par ses premiers succès puis ses triomphes majeurs, des deux côtés des Pyrénées, puis de l’Atlantique, les efforts de ses aînés.
Son frère, la semaine dernière, devant un café pris à quelques mètres des arènes, à, Nîmes, le disait autrement : « Christian a ouvert les portes à l’ensemble du monde tauromachique français. Et il les a laissées entrouvertes, en Espagne, en Amérique du Sud. »
Deux frères, une histoire
Parce que Christian est parti, fauché en pleine gloire par un toro de Miura à Arles, d’abord, un terrible accident survenu le 10 septembre 1989, qui le laissera paralysé. Avant qu’il ne mette fin à ses jours, à 37 ans, le 25 novembre 1991, après de longs mois de rééducation qui avaient laissé entrevoir les espoirs les plus fous.
Cette histoire, leur histoire, Alain l’a racontée dans Recouvre-le de lumière, livre déchirant qu’on ne se lasse pourtant pas d’ouvrir, de relire, d’offrir, que le comédien Philippe Caubère a adopté et joué sur scène, qui a touché, ému, très largement au-delà des cercles aficionados.
« L’autre dimanche, il y avait des milliers de personnes, ici à Nîmes, pour le centième anniversaire de la levée des tridents, pour la défense de toutes les tauromachies, raconte Alain Montcouquiol. On regardait ça avec Simon [Casas, donc, NDLR], et on se disait : “Voilà, ce qui a changé, pendant ces cent ans, c’est ça” : la création, l’apparition, la professionnalisation de tous ces métiers en France, éleveurs, toreros, organisateurs de corridas, l’invention des ferias… Ça n’est pas resté un événement isolé, ça a été un mouvement de fond… »
Un nouveau livre
Alors que sort son nouveau livre Alain Montcouquiol dit encore, d’une voix douce : « La mort de ma mère, en pleine feria des Vendanges, à 99 ans, m’a fait repenser à tout ça… » Un temps, et il ajoute : « C’est quand même formidable que l’on continue à parler de lui trente ans après. Ces photos, sur les arènes, tout le monde peut les voir, personne ne les dégrade. Je suis très content de ça. Christian est devenu un symbole, un mythe. Mais, moi, j’écris sur l’homme. Pas sur la statue. »