Lire – le Magazine littéraire, mars 2022, par Camille Thomine
Activisme incendiaire
Solastalgie. Un bien joli nom pour désigner la détresse et la rage qui consument Laetitia. Sa colère face aux défilés de SUV, aux déforestations illégales et à l’enfouissement de déchets radioactifs sous sa région natale, la Lorraine. Trente et un ans après sa naissance, le jour de l’explosion de Tchernobyl, la jeune pousse sortie d’école de commerce s’est muée en mauvaise herbe et en « furie verte ». Le jour, elle glane un smic dans un aberrant complexe de ski en salle ; la nuit, elle allume des feux devant les centrales nucléaires. Rédigé en vers libres uppercuts, ce premier roman militant fait feu de tous baumes, de la culture pop des années 1990 aux références plus « cinéphi-lettrées ». Mais entre Sweet Dreams et Nick Cave, entre les chaussettes Artengo et Svetlana Alexievitch, un hommage étincelle entre tous. Du documentaire Wild Plants de Nicolas Humbert, plaidoyer pour une autre manière d’habiter la Terre, Partout le feu tire quelques combustibles : mêmes personnages habités, même télescopage du politique et du poétique, même liberté dans la forme et même couleur sonore, nerveuse et percutante. Notre langue découle de la nature, rappelait en 2016 l’un des activistes du film : comme tout aigle ou tout coyote, chaque humain possède son propre chant. Avec ce texte brasier, nul doute qu’Hélène Laurain vient de trouver le sien.