L’Express, 10 mars 2022, par Delphine Peras
Psychiatre à Lyon, où il est né en 1959, Emmanuel Venet taquine aussi la muse de longue date : entre un Précis de médecine imaginaire, des fictions extra telles que Rien et Marcher droit, tourner en rond, ou encore ses inclassables Observations en trois lignes, voilà un écrivain qui cultive allègrement le mélange des genres. C’est particulièrement le cas avec ce nouveau roman (autobiographique ?) au découpage atypique – 91 courts chapitres en référence à Chiendent, de Raymond Queneau. Son narrateur revient sur l’année 1981, celle de ses vingt-deux ans, du 1er janvier au 31 décembre, et sur sa lecture iconoclaste des mythes gréco-romains qu’il découvre alors.
On passe ainsi des corvées de l’étudiant en médecine dans le service d’un professeur pédant, à l’épopée de Thésée ; des déboires amoureux du carabin avec la belle Alexia, aussi experte en ulcères gastroduodénaux que littéraire et cinéphile, au fratricide entre Romulus et Rémus – intermèdes antiques parfois difficiles à suivre. Mais la plume alerte de l’auteur, versé dans l’autodérision et la facétie, l’emporte à propos de ces soirées arrosées au pouilly-fumé, où un libraire s’amuse à établir « la liste mouvante des cent plus beaux livres de langue française » ; des contempteurs ridicules de Mitterrand ; des portraits de praticiens et de patients pas piqués des hannetons. Et surtout quand elle parle d’amour, de désir, d’illusions tenaces. Le tout sous les auspices de Proust comme de l’Oulipo.