Lire – le Magazine littéraire, novembre 2022, par Camille Thomine
Marseille en kimono
Un bol de porcelaine, des parfums verts sous la lune et le dos perlé d’une femme, Shakudo, au bain… Le Japon ? Non : Mahashima, autre nom Marseille en un autre temps… Le lavoir et les lampions plaideraient pour le Moyen Âge, mais les motos rouillées et les palais vermoulus racontent autre chose. Mais où est-on, avec ce Pas de la Demi-Lune ? Il faut plus que jamais accepter de perdre pied, dans ce livre à flanc de falaise suspendu entre ciel et mer. Bientôt, on comprend que les puissants ont abandonné cette ancienne capitale aux mains du peuple en colère, mais qu’en lieu et place du marasme prédit bonheur et solidarité ont germé des décombres. Parabole libertaire et philosophique, ce télescopage nippon-phocéen raconte l’intemporalité de la marche du monde et l’inconséquence des politiques. Ricochant d’histoires en légendes et « du coq à l’âne et vice versa », David Bosc y rappelle que l’archaïque touche toujours l’avenir ; le mythe, la contre-utopie et la demi-lune, son double escamoté. Au plaidoyer contre la propriété, l’élitisme et le cynisme intégral s’ajoute un manifeste poétique, où se réaffirment son goût du vagabondage et ces estampes paysagères dont il a le secret.