Le Figaro, 16 février 2023, par Sébastien Lapaque
Extension du domaine de la grâce
[…] le récit intimiste que publie Patrick Autréaux sous le titre La Sainte de la famille s’éclaire d’une lumière toute naturelle, sans scandale possible lorsqu’il insiste sur son incroyance ou qu’il révèle sa qualité d’homosexuel. Tout est grâce lorsqu’il est question de Thérèse [de Lisieux], notamment à propos de ceux qui semblent venir à elle depuis l’autre bout du monde.
Dans la famille de l’écrivain, qui publie son onzième livre, on était éloigné de toute pratique religieuse, voire franchement hostile aux curés. Mais on affectionnait la sainte guérisseuse de Lisieux, célébrée pour avoir sauvé sa mère d’une grave maladie lorsqu’elle était enfant. Intelligent, sensible et souvent poignant, La Sainte de la famille est l’histoire d’un enfant devenu grand, écrivain et médecin de surcroît, qui s’interroge sur la présence calme et secrète de Thérèse au tréfonds de lui-même. À sa manière, Patrick Autréaux réécrit La Foi qui guérit du neurologue Jean-Martin Charcot, doublement fasciné et révulsé par les foules de Lourdes. Patrick Autréaux n’affecte cependant pas le positivisme des médecins de la IIIe République. Comme Thérèse, c’est en retrouvant son caractère d’enfant qu’il est entré dans le sérieux, dans le dur de la vie, avec ses dérives et ses éclats. « Ce qui rend si délicate la critique religieuse, c’est qu’elle heurte un lieu en lisière de la rationalité et qui déborde vers l’enfance », observe-t-il.
Par là, son livre très subtil est l’effort guerrier – on y revient toujours – d’un écrivain accompli pour chasser les nuages de son esprit afin de se rendre « pur et tout prêt à monter aux étoiles », comme le dit le dernier vers du Purgatoire dans La Divine Comédie.