Études, septembre 2023, par Agathe Sueur

De La Grande Beune (Verdier, 1995) et sa suite et fin inédite, « La Petite Beune », naît ce nouvel opus de Pierre Michon, Les Deux Beune, après douze ans de silence. « La Grande Beune » est toujours grande, fiction portée par la voix vibrante d’un narrateur évoquant avec fougue et tendresse ses débuts d’instituteur dans un bourg perdu de cette Creuse des années 1960 chère à l’auteur ; texte polyphonique bref, riche de ses envolées de désir et échappées vers les origines du monde, à travers le corps érotique d’Yvonne, la belle buraliste, et les splendeurs pariétales de Lascaux si proche. La prose, fulgurante, invite à la quête infinie des strates de sens, ouvre sur les profondeurs, le mystère, l’essentiel. Le suspens final de « La Grande » appelait-il une résolution par « La Petite » ? Les inconditionnels de Michon y trouveront de belles scènes (dont la rencontre avec la belle par une aube cotonneuse) et la prose du maître, aux airs, parfois, d’autopastiche. « La Petite Beune » : brève et grande monodie masculine sur le désir chauffé à blanc. Sa focale : le fantasme. Mais voilà dissipée, dans le brouillard du causse, une part de la force polychromique de « La Grande », ce jeune homme de fiction, qui se distinguait de l’auteur, ses petits lutins d’élèves et le grand renard. Le blanc final vaut-il dénouement ou appendice ? Le malicieux Michon croit-il pleinement à sa « Petite Beune » ou veut-il seulement qu’elle participe, selon la formule qui lui est chère, à ce subtil jeu de vessies et de lanternes qu’est la littérature ?