La Vie, 9 novembre 2023, par Pascale Tournier
Le corps invite à repenser le monde
[…] Avec Respire, Marielle Macé trace une réflexion qui met aussi notre corps en jeu, sur la respiration, l’une de ses fonctions vitales. L’écrivaine et directrice de recherche au CNRS sonde l’air ambiant, qui serait devenu irrespirable. Pollution de l’atmosphère, étés suffocants, maladies allergiques en expansion, pathologies respiratoires en développement… Dans son essai littéraire et stimulant, l’autrice du remarqué Nos cabanes regarde comment notre société industrielle a généré nos asphyxies contemporaines ; et la pandémie, accentué notre besoin irrépressible de grand large. Elle étend aussi son analyse à la politique, en rappelant que « les pollutions s’accumulent avant tout dans les corps des plus pauvres » et en citant le nombre recrudescent de travailleurs à bout de souffle, sans oublier les derniers mots du jeune Afro-Américain George Floyd, « I can’t breathe », avant de mourir sous le genou d’un policier. Comment sortir de cette ambiance étouffante et retrouver le chemin d’une vie désirable ? Marielle Macé revient sur ce mouvement d’inspirations et d’expirations pour en faire le point de départ de ce qui pourrait nous redonner de l’air. Car, au-delà de son côté réflexe et physiologique, respirer marque notre lien avec l’extérieur. « Nous respirons le dehors et le dehors respire, nous respire et se respire en nous », écrit-elle. Lieu d’échange, de dialogue, de participation au monde, la respiration est aussi un geste qui mobilise le corps entier et, ainsi, flirte avec le politique. « Tout le vivant s’y trouve pour ainsi dire engagé. […] Comme si respirer n’allait pas tout à fait sans moi, sans mon désir, mon acquiescement à la vie et au monde. » Il tient alors à nous de « consentir » à la respiration, « qui n’est pas simplement vivre », mais vouloir « aider le monde à exister ». Une pensée en forme de bouffée d’oxygène. » Marielle Macé étend son analyse à la politique, en citant le nombre de travailleurs à bout de souffle.