Études, mars 2025, par Alexandre de Vitry
Voici une ample et réjouissante méditation sur le « romanesque des lieux ». Mais ces « lieux », ce ne sont ni exactement les décors des romans, ni des « lieux communs » plus figurés, ni même simplement telles contrées bien réelles dont les auteurs s’inspirent, mais plutôt l’interface extrêmement instable et réversible, entre réel et fiction, où tout le roman, et peut-être tout texte, installe son lecteur. Ainsi arpentons-nous ou recherchons-nous, en compagnie des auteurs, de Virgile à Jean-Paul Kauffmann, et de personnages aussi divers qu ’Emma Bovary et Arsène Lupin, la maison de Dulcinée devenue lieu de pèlerinage littéraire, les tombes introuvables de Germinie Lacerteux, personnage des Goncourt, ou de Lucile de Chateaubriand, sœur de François-René, l’immense « désert d’hommes » que forme la ville moderne ou encore le mythique village de Combray, que Proust déplace en Champagne d’une édition de la Recherche à l’autre, afin que la Première Guerre mondiale le détruise, mais que les lecteurs sauveront, eux, par la patrimonialisation spectaculaire du village d’Illiers, en bordure du Perche, devenu Illiers-Combray pour les besoins de la cause. Sous le patronage d’Albert Thibaudet et de Judith Schlanger, l’auteur nous mène à travers tous les recoins d’une vaste mémoire spatiale collective, pour finir en compagnie d’Orhan Pamuk, inventeur d’un extraordinaire dispositif à trois étages, ayant fait de son Musée de l’innocence, un véritable musée, lui-même à l’origine d’un catalogue.