Études, avril 2025, par Antoine Corman

Écrivain et traducteur d’origine allemande, l’auteur […] propose, dans ces deux ouvrages, une profonde réflexion sur l’exil et ce qu’il appelle le « dédoublement linguistique », qui va bien au-delà du seul récit autobiographique. À l’âge de 10 ans, avec son frère qui en avait alors 14, ils sont envoyés par leurs parents, face à la montée du nazisme, d’abord en Italie, puis en France. « Quiconque a été contraint à l’exil n’en sort plus de toute sa vie. » C’est sur ce constat existentiel que s’ouvre le premier ouvrage, plus introspectif. En des pages émouvantes, le vieil homme se remet à hauteur de l’enfant emporté par le vent de l’histoire, quittant ses parents sur le quai d’une gare. La géographie du parcours, les détails les plus insignifiants, les sons, les odeurs, les premières impressions du pays d’accueil sont autant d’images « fantômes » qui viennent encore, quatre-vingts ans après, s’intercaler dans les images perceptives du présent. Et parmi les sons, le premier d’entre eux, la langue. Il y a celle que l’on quitte (mais qui ne vous quittera jamais), « infaillible », « d’une radicalité foncière qui peut facilement conduire au pire », et celle que l’on trouve, « libératrice », « la langue du salut », celle « où l’abstraction est presque naturelle ». L’exil est donc aussi intérieur. Le second ouvrage s’intéresse au parcours du frère aîné, qui rejoint la Résistance avant de s’engager dans l’armée française, une vie qui se voulait « comme une sorte de démenti infligé à l’Histoire ». Deux tempéraments, deux destins, unis dans une commune gratitude à l’égard du pays d’accueil.