Le Monde des livres, 25 avril 2025, par Lanwenn Huon

À l’écoute de ce qui est

Le drôle de narrateur du délicat troisième roman de Samy Langeraert, Le Chant du merle humain, n’est pas un vantard. Il admet néanmoins être un « génie de l’écoute». Pendant des heures, il est capable de tendre l’oreille, de donner à son interlocuteur tous les signes d’approbation nécessaires à la poursuite du récit. Mais c’est surtout dans son petit bureau, entouré un cactus – sur lequel il applique régulièrement la pulpe de son index – et d’un coing vieillissant dégageant un léger parfum sucré, qu’il exerce son talent. Là, il se fait attentif « aux propos qui [lui] viennent d’au-dessous du niveau du sol»et qui montent en lui. Puis il consigne les mots, tranquillement, dans leur ordre d’apparition. « II n’y a pas […] plus simple que toutes les phrases que j’ai frappées», dit-il.

Pourtant, de cette suite de méditations se dégage une mélodie très douce aux variations subtiles et fantaisistes. Comme lorsqu’il expose sa manière singulière appréhender les êtres et les choses qui l’environnent : non par le savoir, mais par une technique du regard qui, grâce a un faible louchement, permet de faire advenir un double de l’objet observé, « plus petit, brillant,[qui] résume les connaissances mais sans faire mal ».

De cette voix sensible s’élèvent de très belles visions poétiques : « Ce qui arrive, c’est que la lumière pleut sur Terre de manière continue […], alors les choses en sont mouillées et on peut voir leur apparence.» À l’écoute du chant clair et fluté de ce « merle humain», le monde se révèle à nous aussi dans son étincelante simplicité.