Elle, 5 juin 2025, par Clémentine Goldszal

Réécrire l’histoire ?

66 pages et tout est dit. Après Qui annule quoi ? (Le Seuil, 2022), où Laure Murat livrait l’analyse critique de cette supposée « cancel culture », qui effraie certains intellectuels butés, l’écrivaine et professeure se penche sur les tentations contemporaines (mais en vérité immémoriales) d’amender les textes passés pour les aligner de force sur ce que l’on croit être l’air de notre temps. Retitrer Agatha Christie, remodeler le James Bond misogyne de lan Fleming, expurger l’œuvre d’Hergé de ses composantes racistes et antisémites, ça « n’est pas seulement une fausse bonne idée. C’est une vraie mauvaise idée », tranche-telle. L’argument n’est pas une question de morale mais d’efficacité : ôtez un terme ici, la xénophobie de l’auteur ressortira là ; changez les « nègres » en « indiens », le problème n’en sera que déplacé. Dans sa calme démonstration pleine de bon sens, Laure Murat propose d’ajouter plutôt que de soustraire : des préfaces, du contexte, du dialogue, du débat. Et les livres qui ne vous plaisent pas ? « Arrêtez de les lire », conseille-t-elle. Lisez, en revanche, ce petit volume plus éclairant que bien de longs discours.