Le Monde des livres, 31 octobre 2025, par Clément Ghys

La palette mentale de Kandinsky

Il y a un peu plus d’un siècle, Vassily (ou Wassily) Kandinsky signait les premières toiles et aquarelles abstraites. Les spécialistes n’en finissent pas de célébrer la grandeur de l’artiste, né en 1866 à Moscou et mort en 1944 à Neuilly-sur-Seine, après de longs séjours en Allemagne.

Les Marches, de l’intéressé lui-même, offre un aperçu plus intime du chambardement prométhéen, copernicien, qui autorisa les artistes à ne plus représenter le réel, mais à dévoiler d’autres mondes que ceux se tenant face à leur chevalet.

Kandinsky, également poète et théoricien, publie ce court texte en allemand en 1913, et en russe cinq ans plus tard. Cet essai et recueil de souvenirs décrit la libération d’un plasticien qui eut longtemps « l’impression d’être un singe pris dans un filet », empêché par l’obsession de la ressemblance dans l’art. Il est question de Rembrandt, qui le stupéfia jeune homme, de l’architecture des églises moscovites et de l’obscurité de Venise (« Les marches d’un escalier plongent dans l’eau noire et sur l’eau une longue barque noire »).

Kandinsky consacre quelques pages magnifiques à la joie de peindre. « Et jusqu’à présent, l’impression, ou plutôt l’émotion, suscitée par la couleur qui sort du tube, ne me quitte pas. » Il décrit ensuite les textures et les couleurs qui se déposent sur la toile, dans un « jeu mystérieux de forces étrangères au peintre ».