Le Monde des livres, 24 janvier 2014, par Florence Noiville
Mes deux patries
Avec Le Dicôlon (Verdier, 2011), le public français avait découvert une voix nouvelle dans le chœur de la littérature grecque. Yannis Kiourtsakis, né à Athènes en 1941 et auteur de nombreux essais sur le folklore et la langue de son pays, revient aujourd’hui avec Double exil. C’est la période des Colonels (1967-1974). Le héros de ce livre a quitté la Grèce pour aller étudier à Paris, et il a atterri dans une chambre de service au 5e étage d’un vieil immeuble de la rue de Valenciennes. Là, il réfléchit à la dictature, au « système qui fait de nous des machines et des numéros et qui tue la vie ». Il fume beaucoup, cherche un sujet pour une thèse de droit qu’il n’a plus envie de faire, écoute des 45-tours de Tsitsanis sur un vieux pick-up et, au milieu de ce désœuvrement, se pose mille questions sur son avenir. Heureusement, il est fou amoureux de Gisèle, une belle Française étudiante à la Sorbonne, dont l’amour le pousse à écrire et éclaire son exil. Et si ce dernier est double, c’est que ce jeune homme finira par se découvrir deux patries, la France et la Grèce, mais qu’il n’aura jamais le sentiment d’appartenir pleinement à l’une ni à l’autre. Servie par une prose fluide, cette autobiographie est aussi une chronique des années sombres de la Grèce. Une quête d’identité qui n’est pas seulement celle du narrateur, mais celle de l’Europe tout entière.