Hella Frischer
Elena (Hella) Gustavovna Frischer commença d’écrire ses mémoires en relégation et elle les termina à Moscou.
Elle naquit en 1906 à Brünn (aujourd’hui Brno en Tchécoslovaquie).
À seize ans, elle partit faire ses études à Vienne, où elle fit ses humanités. C’est alors qu’elle entra à l’Union de la jeunesse libre, puis plus tard adhéra au parti communiste.
Sur les conseils de Klement Gottwald, elle quitta Prague en 1935 pour l’URSS avec son mari l’ingénieur A. A. Frischer.
Le mari de Hella participait aux recherches techniques sur le premier percement du métropolitain de Moscou. Hella enseignait l’allemand aux enfants des choutsboundovtsi (les participants au soulèvement armé des ouvriers en 1934 à Vienne), qui avaient émigré à Moscou.
Le couple Frischer vivait dans la maison des travailleurs du Komintern et des spécialistes étrangers (passage du Télégraphe, nº 11/16). En 1937 eurent lieu les premières arrestations des habitants de cette maison. D’abord les Allemands puis les Polonais… À cette époque, raconte Hella, lorsqu’on vint les chercher, seules deux fenêtres restaient allumées le soir.
Le mari de Hella fut fusillé, elle fut condamnée à dix ans de camp dans la république autonome des Komis puis, dès 1947, à la relégation, qui ne fut pas moins terrible pour elle que le séjour en camp : sans abri, sans pouvoir trouver aucun travail.
Bientôt eut lieu la deuxième vague d’arrestations de ceux qui avaient déjà été déportés. Beaucoup de ses amis furent arrêtés, parmi eux Mira et Alexeï Linkévitch (Rimma et Lionia dans ses mémoires).
S’attendant elle-même à être arrêtée, Hella faisait des heures de queue à la porte de la prison de Syktyvkarska pour apporter des colis à ses amis.
Hella revint à Moscou en 1956. En 1957 elle et son mari furent réhabilités.
À Moscou, Hella travaillait à la fabrique de marionnettes de la Société théâtrale de toutes les Russies (VTO) (elle se servait de la « qualification » qu’elle avait acquise au camp). En outre, sur les conseils de l’écrivain N. Guernet, elle traduisit du tchèque et de l’allemand des pièces pour les théâtres de marionnettes. Encore aujourd’hui au Théâtre Obraztsov et dans d’autres théâtres de marionnettes on joue des pièces qu’elle a traduites (par exemple, La Jeune Fille et son écho du dramaturge tchèque Pospechilova). La pièce qu’elle avait écrite d’après un conte d’Andersen : Le Porcher fut mise en scène.
Hella mourut en 1984.
Frêle, élégante, le visage émacié entouré d’une toison de cheveux gris, le regard éclatant de jeunesse, elle était attirante et entourée. Sa grande dignité intérieure, son don pour l’amitié, l’aidèrent à supporter tous ses tourments. Car dans la vie de Hella, comme elle-même le disait, « Tant de fois au cours de notre existence il fallut se dire : rien encore n’avait été si dur. »
(Kira Teverovskaia)