Galina Zatmilova
Galina Ivanovna est née en 1906 dans la famille d’un petit fonctionnaire de Saratov. Elle fit ses études à l’Institut polytechnique de Sverdlovsk. Pendant les années vingt, elle milita activement au Komsomol, mais quand vint l’époque de la collectivisation, voyant des familles entières de paysans chassées de leur terre natale, privées de toit et de leurs biens les plus nécessaires, elle rendit sa carte au comité régional du Komsomol. Lorsqu’elle énumérait ses accusations contre le « gouvernement stalinien », elle indiquait toujours en premier lieu non pas les répressions des années trente, mais l’élimination impitoyable des véritables maîtres de la terre.
Le mariage de Galina Ivanovna, suivi de son départ pour Oufa, où étaient relégués pendant les années trente quelques activistes de partis politiques disparus, marque une nouvelle période importante de sa vie. Par son intérêt pour les questions sociales, sa bienveillance et sa droiture profonde, Galina Ivanovna, tout en n’étant pas elle-même membre du parti des SR de gauche, trouva naturellement sa place dans le cercle des derniers représentants du mouvement révolutionnaire d’idéologie populiste en Russie.
Le noyau de ce cercle était constitué d’anciens leaders du parti des socialistes-révolutionnaires de gauche : I.K. Kakhovskaïa et M.A. Spiridonova, A. A. Izmaïlovitch, I. A. Maïorov. Ils se trouvaient, comme tout leur entourage, exclus de la vie politique et sociale, tout en travaillant dans des institutions soviétiques. Leur manière d’être, leur éthique, leur haut niveau de culture, associés à une grande exigence envers eux-mêmes, une immense tolérance et à un réel souci des autres, leurs principes inébranlables pour toutes les questions sociales, leur passé révolutionnaire, tout cela eut une très forte influence sur la vie de Galina Ivanovna. […]
Ils furent tous arrêtés en février 1937. Galina Ivanovna ne revit jamais son mari, P. A. Egorov. Mais le destin voulut qu’elle fût enfermée dans la même cellule que Irina Konstantinovna Kakhovskaïa pendant quatre mois. Et dix-neuf ans plus tard, elles se retrouvèrent à nouveau. Envoyant à Galina Ivanovna un poème qu’elle lui avait dédié, Kakhovskaïa écrit : « J’ai composé ceci lorsqu’on vous a emmenée loin de moi, et jamais je n’ai pensé que vous pourriez le lire… Comme je suis heureuse que vous soyez vivante et que vous alliez bien. » Et plus loin elle demande : « Où en est votre réhabilitation ? Vous devriez pouvoir l’obtenir aisément, car vous n’avez jamais fait de politique et n’avez jamais appartenu à aucune organisation. »
Galina Ivanovna eut « de la chance ». Après dix ans de détention, elle ne fut pas condamnée à une seconde peine. Cependant, c’est elle-même qui refusa de quitter la Kolyma. En Russie, personne ne l’attendait.
À la Kolyma, elle épousa un paysan dékoulakisé qui avait purgé sa peine. En 1957, ils partirent dans sa famille à Roubtsovsk, où elle aida son mari à élever ses neveux.
Après la mort d’Irina Konstantinovna et de son mari, Galina Ivanovna passa tous les étés chez ses amis à Moscou et à Léningrad ; elle m’accompagnait lors d’expéditions géologiques, où elle travaillait, dans les pires conditions, comme cuisinière.
Pendant les moments de repos, Galina Ivanovna nous récitait des vers de Nikolaï Goumilev, d’Igor Severianine, et d’autres poètes que nous ne connaissions pratiquement pas dans les années soixante.
Comme la plupart des gens au destin comparable, elle avait su conserver l’acuité de son sens critique, ainsi que la faculté de se réjouir de tous les progrès de la vie sociale.
(Natalia Gromova)