Nadejda Grankina
Nadejda Vassilievna Grankina est née en 1904 à Saint-Pétersbourg. Son père, un prêtre, était resté veuf. La loi lui interdisant de se remarier, les deux enfants qu’il eut avec sa deuxième femme furent déclarés illégitimes. Leur oncle – diacre de l’église de Tsarskoïe Sielo – prit les deux enfants chez lui et les éleva comme les siens. Nadia n’apprit qu’elle était illégitime que lorsqu’elle entra au collège : de nombreux parents n’autorisaient pas leurs filles à la fréquenter, et elle en resta profondément meurtrie.
Très vite après la révolution, Nadia déposa une demande d’adhésion au Komsomol. À la question : « Pourquoi veux-tu être komsomole ? », elle répondit : « Parce que les communistes sont les héritiers du Christ, et qu’au nom du Christ je veux aider les communistes. » Évidemment, elle ne fut pas admise.
En 1919, sa mère l’emmena de Petrograd où régnait la famine à Élisavetgrad. Nadia y travailla à l’hôpital comme infirmière. À nouveau elle voulut entrer au Komsomol. On l’accepta mais peu après, à l’occasion d’une épuration, elle fut exclue comme fille de prêtre.
Elle n’avait pas encore dix-huit ans lorsqu’elle rencontra un commandant de l’Armée rouge gravement blessé, E.N. Grankine. Elle l’épousa. Peu après, il fut exclu du parti comme trotskiste.
En 1930, les Grankine arrivèrent à Léningrad avec leur fille de huit ans et ils s’installèrent dans le minuscule appartement de la mère de Nadia. La santé de Grankine se détériora, il ne pouvait plus travailler et sa pension était minime. Ce qui obligea Nadia à travailler pour deux. Puis la poliomyélite frappa leur fille qui resta infirme jusqu’à sa mort.
On arrêta Grankine pour la première fois en 1931. Mais il parvint à prouver qu’en raison de sa maladie il n’avait entretenu aucun lien avec ses anciens camarades. Pendant l’instruction, on convoqua Nadia pour l’interroger. Considérant qu’il fallait dire toute la vérité à l’instructeur, elle l’informa qu’elle avait lu Les Lettres de Trotski. Elle paya cher par la suite cette sincérité.
Grankine fut libéré. Puis arrêté à nouveau un an plus tard et condamné à la relégation. Nadejda Vassilievna fut autorisée à rejoindre son mari ; on lui dit qu’il était à Samara, il ne s’y trouvait pas ; on l’envoya à Orenbourg, où son passeport lui fut retiré. Pendant ce temps, Grankine était à l’hôpital de la prison de Léningrad. Nadia se retrouva donc en relégation sans argent, sans domicile, une fille malade à charge. Par bonheur, à l’automne 1933, on réhabilita son mari, et Nadia revint à Léningrad.
En 1936, Grankine fut à nouveau arrêté. Il mourut un an plus tard à la prison de Bielgorod. Bientôt Nadia fut arrêtée à son tour, condamnée à dix ans de détention. et plus tard expédiée à la Kolyma. La grand-mère recueillit la petite fille, mais en 1942 la grand-mère et la petite fille moururent de faim à Léningrad. En 1947, Nadia fut libérée. De 1956 à sa mort en 1983, elle vécut à Léningrad.
Ses souvenirs – un gros manuscrit de cinq cents pages –, Nadia les écrivit durant de nombreuses années. Elle aspirait à retracer ce qu’elle avait vécu avec le plus d’exactitude possible.
(Elga Silina)