Berta Babina-Nevskaïa
Berta Alexandrovna est née en 1886, d’une famille d’ingénieur. Elle fit sa scolarité dans un lycée de Saint-Pétersbourg et ses études supérieures dans un collège de jeunes filles.
Dès le lycée, elle s’intéressa au mouvement des socialistes-révolutionnaires et à vingt et un ans devint membre du parti SR. Berta Alexandrovna fut chargée de la propagande ; elle adopta le rôle de « fiancée » de l’un des matelots du Potemkine, enfermé dans la forteresse Pierre et Paul ; lui fit parvenir des colis et lui écrivit. Puis elle se maria au SR V. M. Golovine et partit avec lui pour l’Italie. Après la mort précoce de ce dernier, elle revint en Russie avec son fils Vsevolod (tué au front en 1942).
En 1913, elle épousa un militant actif du parti, B. V. Babine (Koren, de son surnom de partisan), et traversa avec lui toutes les épreuves à venir. Il fut tué à la Kolyma en 1945.
« C’était la vie, écrivait Berta Alexandrovna, avec ses joies et ses peines, ses erreurs et ses succès, ses dures épreuves et ses fréquentes séparations. Et cette vie-là, elle dura presque un quart de siècle, tant qu’elle ne fut pas brisée par ceux qui s’étaient aussi considérés un temps comme les porteurs de notre grand rêve commun, et qui ensuite avaient tué son âme vivante, avant de périr des mains de nos bourreaux devenus les leurs. »
Après la révolution de Février et le schisme du parti SR en 1917, les Babine adhérèrent au parti des SR de gauche. Berta Alexandrovna réprouva longtemps l’extrémisme de l’action provoquée en 1918 par les camarades du parti. Elle leur reprocha plus d’une fois leur rupture avec les bolchéviks qui aboutit à la liquidation du pluripartisme dans le gouvernement soviétique.
En 1922, les Babine furent arrêtés avec beaucoup d’autres SR, et après la prison des Boutyrki, les interrogatoires et le procès, ils furent déportés.
De retour à Moscou dans la deuxième moitié des années vingt, Berta Alexandrovna, qui maîtrisait parfaitement les langues européennes – le français, l’italien et l’allemand – traduisit des textes pour le Komintern. Arrêtée de nouveau en 1937, elle passa dix-sept ans dans les camps de la Kolyma à faire des travaux divers. Libérée en 1954, elle vécut à Oukhta (en République Socialiste Soviétique Autonome des Komis) avant d’obtenir l’autorisation de revenir à Moscou en 1958. Elle fut réhabilitée en 1964.
Berta Alexandrovna s’était mise depuis les années cinquante à étudier la littérature des peuples de l’Extrême-Nord et de l’Extrême-Orient soviétiques. Elle faisait connaître leur culture, recherchait de nouveaux talents, écrivait sur eux des articles sous le pseudonyme de « Nevskaïa ». Les jeunes talents d’autres nationalités l’intéressaient aussi. Elle fut ainsi l’une des premières à apprécier les œuvres de T. Aïtmatov, I. Rytkheou, V. Sangui.
Jusqu’à la fin de sa vie, Berta Alexandrovna accomplit avec enthousiasme sa mission culturelle. Elle ne s’arrêta vraiment de travailler qu’à l’hôpital, où elle passa ses derniers mois. Elle mourut le 17 février 1983.
Les paroles qu’elle prononça avant de mourir, stupéfièrent la garde-malade.
« L’escorte attend », dit-elle.
(Natalia Piroumova)